Page:Revue des Deux Mondes - 1876 - tome 17.djvu/229

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ou athée. Depuis cinq ans, ce pays est un modèle de vigueur intime, de consistance et de raison. Il résiste à tout, il reste paisible et il travaille, tandis que ceux qui ont la prétention de le représenter et de le conduire s’épuisent le plus souvent en agitations stériles. Il vit, pour ainsi dire, par lui-même, insensible aux excitations factices et aux politiques exclusives, résolvant chaque jour par son propre effort le problème de la stabilité publique, et voilà précisément ce qui devrait inspirer aux partis quelques-unes de ces réflexions qui sont le commencement de la sagesse. Voilà ce qu’on devrait voir dans cette tranquillité dont la France se hâte de jouir, où le pays se livre au soin de ses affaires pendant que M. le président de la république va suivre les grandes manœuvres, et que les ministres en voyage vont prononcer des discours de famille dans les comices de leur arrondissement natal.

Assurément une des causes de ce calme salutaire et réparateur que rien ne menace pour le moment, c’est que la première de toutes les questions, celle des institutions, est désormais tranchée. Tant qu’il n’y avait qu’un provisoire toujours à la merci d’une oscillation parlementaire, d’un coup de majorité dans une assemblée omnipotente, l’inquiétude du lendemain était inévitable. Aujourd’hui la sécurité est garantie par tout un ensemble constitutionnel. Il y a un régime qui ne peut être modifié que dans des conditions prévues et déterminées ; il y a des assemblées régulières qui ont des prérogatives définies et limitées ; il y a un gouvernement qui a son chef inviolable, son caractère et ses lois : les surprises ne sont plus possibles. Qu’on ne se laisse point aller cependant à de trop confiantes illusions. Oui sans doute, tout est régulier et paisible au moment présent, la France est en sûreté. M. le maréchal de Mac-Mahon peut, sans le moindre danger, quitter Paris pour aller à Bourges, à Besançon ou à Lille, assister aux travaux de notre armée, surveiller les progrès de notre réorganisation militaire. M. de Marcère et M. Christophle peuvent aller fraternellement à Domfront et se prêter sans trouble à ces petites ovations qui ont toujours une saveur particulière quand on revient ministre dans sa ville natale. Ils ont eu le plaisir d’être prophètes dans leur pays ! M. le ministre de l’intérieur et M. le ministre des travaux publics ne se sont pas déplacés seulement, bien entendu, pour aller recevoir les complimens de leurs amis d’enfance dans la « cité domfrontaise ; » l’intérêt de leur voyage est dans les discours qu’ils ont prononcés, et qu’en résulte-t-il au point de vue de ces institutions nouvelles dont la France fait aujourd’hui l’expérience ?

À vrai dire, les deux ministres ont vu tout en beau dans leur passage à Domfront ; tout est pour le mieux, et M. de Marcère particulièrement, dans l’exposé qu’il a fait de sa politique, a montré un optimisme qui ne laisse rien à désirer. M. le ministre de l’intérieur est peut-être un peu absolu et un peu prompt dans ses jugemens ; il n’hésite pas à