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L’étude des modifications que le temps amène dans l’économie du globe conduit aux mêmes conclusions en nous révélant de nouvelles causes de destruction organique. La terre, disait Karl Ritter, forme le corps de l’humanité, et l’humanité est l’âme de la terre. Cette pensée aussi juste que profonde nous fait entrevoir l’avenir réservé à notre espèce. Sortie du sol planétaire, la plante humaine cessera de prospérer du moment qu’elle ne trouvera plus autour d’elle les élémens nécessaires à l’élaboration de la sève. Or les trois composantes primordiales de toute organisation végétale ou animale, l’eau, l’air et la chaleur solaire, subissent des modifications qui les rendront un jour impropres à l’entretien des fonctions de la vie. L’eau tend à disparaître, soit en s’infiltrant dans le sol, soit en se combinant avec ses élémens. Nous avons dit qu’à l’origine elle recouvrait toute la surface du globe, et que chaque formation géologique est marquée par une apparition de nouveaux continens et un retrait de l’Océan. Si on observe les vallées qui ont été le siège de phénomènes glaciaires, on constate que les cours d’eau de cette époque avaient un volume beaucoup plus considérable que ceux d’aujourd’hui. Cette diminution est même sensible depuis les temps historiques ; dans la haute Égypte, on voit encore gravées sur le roc les marques des crues du Nil du temps des pharaons ; ces marques sont de plusieurs mètres au-dessus des crues actuelles. L’eau disparaîtra donc du globe, à moins qu’elle ne soit arrêtée et figée par le froid. L’air paraît avoir les mêmes tendances, surtout l’oxygène, toujours porté, comme on sait, à entrer en combinaison avec les élémens du sol. D’ailleurs d’autres gaz d’origine terrestre ou cosmique peuvent s’y mêler et le rendre impropre à la respiration ; les émanations gazeuses des volcans rendent compte de la première hypothèse, les queues des comètes qu’on a vues s’étaler sur une longueur de plus de 60 millions de lieues et qui peuvent par conséquent envelopper la terre, si elles la rencontrent dans son orbite, justifient la seconde. Enfin il viendra un jour où les rayons du soleil, par suite du refroidissement graduel de cet astre, perdront leur puissance, puis s’éteindront pour toujours. Une nuit éternelle enveloppera alors le globe, d’où toute végétation, par suite tout être vivant, auront disparu. L’âge des ténèbres viendra clore le cycle des destinées planétaires ; mais avant cette époque, qui probablement est encore éloignée de quelques millions de siècles, les glaces polaires, s’il existe encore au fond des océans de l’eau pour les alimenter, n’étant plus arrêtées dans leur marche envahissante, s’achemineront vers l’équateur, refoulant devant elles les derniers débris des races humaines.

Complétons ces considérations sur l’homme par un dernier point d’interrogation : comment déterminer dans la chronologie des âges