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application, le plus fort finit toujours par avoir raison du plus faible. Vœ parvis ! Les végétaux à texture délicate sont supplantés par des espèces plus vigoureuses, tandis que celles-ci disparaissent à leur tour devant d’autres espèces encore plus robustes. A peine le lichen a-t-il effrité la surface du rocher qu’il recouvre et concentré un peu d’humidité dans ce premier sous-sol, qu’il est envahi par les mousses. Celles-ci s’avancent en colonnes serrées, et après avoir formé une première couche d’humus de leurs débris, cèdent la place aux plantes herbacées. L’herbe, « cette chevelure de la terre, » suivant la poétique expression des vieilles légendes Scandinaves, disparaît devant les plantes ligneuses. Celles-ci se montrent dès que la terre végétale est assez épaisse pour soutenir les racines et assez riche pour les alimenter. Un combat d’un nouveau genre s’engage alors entre ces dernières espèces : ce ne sont plus seulement les racines qui se disputent le sol, ce sont les branches et le feuillage qui se dérobent l’air et la lumière. Nous trouvons là un second caractère du monde végétal, caractère qui dérive comme conséquence nécessaire du premier, et que nous avons déjà défini la lutte pour l’existence. »

Passons aux animaux. La puissance prolifique des animaux, par suite leur expansion indéfinie à la surface du globe, n’est pas moins grande que celle des végétaux. Si les continens semblent appartenir avant tout à ces derniers, la mer est le domaine privilégié des premiers, comme pour rappeler que c’est de ce mystérieux laboratoire que sont sortis les premiers germes de tous les êtres vivans. Il suffit de mentionner ces migrations périodiques de poissons qui défilent chaque année en légions innombrables sur une étendue de plusieurs lieues, ou mieux encore, ces immenses débris de coquillages qui tapissent le fond des océans, et que les flots rejettent chaque jour sur le rivage. Même sur les continens, il est des contrées où le fourmillement de la vie atteint des proportions si extraordinaires qu’il est souvent difficile de dire lequel, du végétal ou de l’animal, l’emporte dans la balance des forces organiques. Telles sont les vallées chaudes et humides arrosées par les grands cours d’eau de la zone torride. Le nombre des espèces diminue à mesure que l’on remonte vers les pôles ou vers le sommet des hautes montagnes ; mais la vie ne cesse de se manifester, même dans les contrées les plus déshéritées, là où la nature ne présente qu’un manteau de neige ou la roche stérile. Il n’est pas un brin d’herbe qui n’abrite un insecte, de fruit qui n’attire un rongeur, d’écorce d’arbre qui ne soit hantée par. quelque tribu de parasites. Si vous n’apercevez rien au premier coup d’œil, approchez un verre grossissant, vous distinguerez bientôt une population d’animaux microscopiques.