parce que personne ne produisant ce qu’il consomme, chacun doit vendre pour acheter. Tout produit devient marchandise, et le point important est alors de savoir ce qui fait la valeur de ces objets destines à l’échange. À cette question, Marx n’hésite pas à répondre avec Smith et Ricardo : c’est uniquement le travail[1].
Comme valeurs, dit Marx, les marchandises destinées à l’échange ne sont autre chose que du travail cristallisé. L’unité de mesure des valeurs, c’est le travail ordinaire moyen, qui varie dans les différens pays et aux différentes époques, mais qui est donné dans une société déterminée. Le travail plus compliqué ou qui exige des facultés plus relevées doit être considéré comme du travail simple élevé à une plus haute puissance. Un objet utile n’a donc de la valeur que parce qu’il représente du travail. Les choses les plus nécessaires à l’existence, l’air et l’eau, n’ont en général aucune valeur parce qu’on les obtient sans travail. Maintenant comment mesurer la quantité de valeurs que représente un objet ? Par la quantité de « substance créatrice de valeur, » c’est-à-dire de travail qu’il contient. La quantité de travail est mesurée elle-même par sa durée, par heure et jour. Ici Marx introduit une rectification dans la théorie de Smith et de Ricardo en prévenant une objection. On pourrait dire en effet que, si c’est la durée du travail qui crée la valeur des produits, un habit fait par un tailleur qui y aurait mis deux fois plus de temps qu’il ne faudrait aurait double valeur. Non, répond Marx, ce qui sert à mesurer la valeur des choses, c’est le temps de travail nécessaire en moyenne, exécuté avec le degré moyen d’habileté et d’intensité, et dans les conditions normales de l’industrie à un moment donné. Si avec la machine à coudre on peut faire une chemise en un jour, ce sera un jour qui sera la mesure de la valeur d’une chemise, et non les deux ou trois jours qu’il fallait auparavant. Même ainsi rectifiée, la théorie qui fait du travail la source de la valeur est une erreur complète, ainsi que je le montrerai bientôt ; mais d’ailleurs, comme toutes les abstractions en matière sociale, ces moyennes manquent de rigueur scientifique. En réalité, chaque genre de travail a sa valeur propre, son caractère particulier-Une journée de travail d’un maçon vaut-elle exactement autant que celle d’un menuisier, d’un peintre, d’un ciseleur, d’un plombier on d’un simple manœuvre ? Évidemment non. Et comment les comparer, à moins que ce ne soit parle salaire que chacun de ces ouvriers reçoit ? Alors il faut admettre que tout salaire est exactement
- ↑ Pour l’analyse des idées de Karl Marx, on peut consulter Heinrich von Sybel, Die Lehren des heutigen Socialismus ; — Eugen Jäger, Der moderne Socialismus ; — Schäffle, Der Socialismus und der Kapitalismus ; — Rud. Moyer, Der Emancipationskampf des vierten Standes, et en français l’étude brève, mais très substantielle, de M. Maurice Blook, Les Théoriciens du socialisme en Allemagne.