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Cissey, il ne s’est pas aperçu que dans ces hommages tardifs, par lesquels il semblait vouloir relever M. le ministre de la guerre, il y avait une fatuité assez ridicule ou une inconvenance de plus. Non, des discussions ainsi conduites ne sont pas faites pour rassurer sur la direction qu’on prétend donner à la république, au régime parlementaire ; elles laissent au contraire plus d’un doute, et puisqu’on entre aujourd’hui en vacances, ce qu’il y aura de mieux, ce sera de revenir avec la résolution de pratiquer plus sérieusement, les institutions qu’on veut faire durer et fructifier.

Au moment où nos assemblées se séparent, l’Europe en est encore à attendre ce qui va sortir des complications de l’Orient. Rien de précis ne se dégage de cette obscurité sanglante, rien si ce n’est pourtant un fait qui devient de plus en plus sensible et qui, d’un instant à l’autre, peut devenir décisif, en ouvrant la carrière à de nouveaux événemens. Le fait évident, constaté et à peu près avoué officiellement, c’est la déroute de l’armée serbe, qui semble ne pouvoir résister qu’avec peine à l’armée ottomane. De toutes parts, les Turcs ont forcé l’entrée de la principauté, et ils s’avancent, quoique lentement, sur le territoire serbe. Le prince Milan a quitté momentanément l’armée, et le cabinet belliqueux de Belgrade ne tardera pas peut-être à laisser la place à un cabinet plus pacifique. La guerre est tout au moins arrivée à un point où elle serait trop inégale pour durer longtemps, où elle ne pourrait se prolonger qu’en se transformant en guerre de partisans. De cette confusion, c’est bien plutôt sans doute un armistice qui sortira, et alors des négociations pourront s’ouvrir. La fin de la guerre entre Serbes et Turcs, c’est l’intervention diplomatique de l’Europe, et c’est là le moment critique. Il peut être d’autant plus difficile que les cabinets européens, sans avoir le droit de refuser à l’empire ottoman certaines garanties contre les hostilités de ses adversaires, auront certainement à lui demander des comptes. Non-seulement ils voudront couvrir la Serbie contre les conséquences extrêmes d’une défaite, mais encore et surtout ils auront à s’occuper des scènes sanglantes et barbares qui se sont passées récemment en Bulgarie, qui ont douloureusement retenti dans le monde. De toute façon, il est permis de le croire, ce n’est que dans la paix et par des négociations pacifiques que l’Europe est pour le moment appelée à s’occuper de l’Orient.


CH. DE MAZADE.

Le directeur-gérant, C. BULOZ.|5}}