Page:Revue des Deux Mondes - 1876 - tome 16.djvu/962

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de crédit, c’est aussi indigne d’une assemblée sérieuse que peu respectueux pour la loi, c’est un procédé puérilement arbitraire. — Vous avez peut-être raison ; après tout, peu importe, puisque telle est notre volonté et que nous avons la majorité, nous supprimons le crédit, et si le sénat résiste, s’il veut défaire ce que nous avons fait, nous crierons bien haut que le sénat est insociable, que c’est lui qui cherche et provoque les conflits. Et voilà comment vont les choses dans la discussion du budget. M. Gambetta et M. Langlois ne cessent de vaincre, ils ont déjà triomphé d’un historiographe et de quelques aumôniers ! C’est la manière de faire un budget républicain. Il faut que tout soit selon le mode républicain, l’histoire, la religion, l’administration militaire et même la peinture sur les murailles de Sainte-Geneviève. La majorité de la chambre des députés, conduite ou à peine retenue quelquefois par la commission, peut se donner libre carrière et même prêter à rire par la puérilité de ses incandescences. Sérieusement croit-on qu’en identifiant la république avec ces petites passions, ces préjugés mesquins et ces subterfuges d’arbitraire, on la met en honneur et en crédit, on la popularise dans l’esprit de la France ?

Il y a un autre danger dans cette manière de comprendre et de discuter un budget telle qu’elle vient de se produire dans la chambre des députés, et ce danger est pour le régime parlementaire lui-même. Malheureusement on oublie le passé, et après vingt-cinq ans d’éclipse des institutions libres, on dirait qu’il y a toute une instruction à refaire. On semble ne plus se souvenir qu’une des choses qui ont le plus compromis autrefois le régime parlementaire, c’est cette manie d’intervertir toutes les attributions des pouvoirs, c’est cette prétention de se substituer en tout et pour tout au gouvernement, d’intervenir minutieusement dans tous les détails de l’action administrative. C’est par les abus de discussion et d’immixtion parlementaire que les institutions libres ont été toujours vulnérables, qu’elles ont quelquefois perdu momentanément de leur autorité, qu’elles se sont vues exposées à des hésitations ou des réactions d’opinion dont les fauteurs d’absolutisme n’ont jamais manqué de profiter. Veut-on recommencer aujourd’hui ? Assurément les assemblées ont un droit complet de contrôle sur les finances publiques, et pour que le contrôle soit efficace, il doit être armé de tous les moyens de saisir la réalité en quelque sorte sur le fait, de comparer les dépenses aux besoins de l’état, de préciser les crédits, de débattre l’opportunité des allocations réclamées. Oui, tout cela est vrai, le budget ne peut pas être une fiction, il doit être classé, coordonné, fixé dans ses ressources essentielles, et puisqu’on tient les cordons de la bourse, selon le mot vulgaire dont on s’est servi, c’est bien le moins qu’on ne les délie pas sans savoir ce qu’on fait, sans assurer au pays toutes les garanties d’une gestion exacte et profitable. C’est encore plus vrai lorsqu’il