Page:Revue des Deux Mondes - 1876 - tome 16.djvu/961

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

lieu de six mois sous les drapeaux, rien de mieux encore. Malheureusement, ce n’est là qu’un côté, le côté brillant et plausible de ce budget qui vient de passer par l’examen de la seconde chambre, et dans cette discussion tout entière, la commission, M. Langlois, son bouillant porte-parole, la majorité qui les a soutenus, ont laissé voir à chaque pas ce qui peut le mieux compromettre une œuvre de ce genre : la préoccupation de parti et un esprit de minutie poussé jusqu’à rendre toute administration impossible, jusqu’à dénaturer l’action du régime parlementaire lui-même. Certes, s’il est une question où l’esprit de parti n’ait rien à faire et soit mal placé, c’est le budget, — le budget de la guerre plus que tous les autres ; — mais non, il faut que la république se mette de la partie et que l’esprit républicain ou prétendu républicain se montre sous toutes les formes, à tout propos. Ce terrible esprit ne laissera pas passer une occasion de dire son mot, de dévoiler ses préjugés dans la suppression d’un crédit ou dans une querelle faite à l’administration.

S’agit-il d’une place d’historiographe du dépôt de la guerre occupée par un écrivain membre de l’Académie française, vite il faut supprimer la place ! Et pourquoi la supprimez-vous, cette fonction qui aurait pu ne pas être créée, mais dont la suppression n’est certes pas bien urgente ? M. Gambetta, président de la commission du budget, ne le dit pas, non plus que M. Langlois, qui se borne à biffer le crédit en déclarant magistralement que c’est inutile. La véritable raison, un indiscret se hâte de la divulguer : c’est que la fonction date de l’empire et que le fonctionnaire est violemment soupçonné de n’être pas assez républicain. Chose scandaleuse, l’écrivain attaché au dépôt de la guerre a publié un livre sur les volontaires de 1792 ! Il a porté atteinte à la légende de 1792 ! Il a manqué de respect au principe des levées en masse et de la nation armée. Et puis, un historiographe, c’est par trop monarchique ! « Ce sont les affaires de la monarchie, non les affaires de la république, » comme dit M. Gambetta à propos de quelques malheureux subsides accordés par la charité traditionnelle de la France à de pauvres diables de réfugiés. — S’agit-il de crédits demandés pour l’armée territoriale ? l’administration de la guerre n’a qu’à se bien tenir. Elle manque absolument à tous ses devoirs, elle refuse des grades aux républicains, elle a l’air de croire que la qualité de républicain n’est pas un titre suffisant pour être officier même dans l’armée territoriale, et M. le ministre de Cissey se hâte de détourner l’orage en déclarant qu’il a encore dix mille grades à distribuer : il y en aura pour tout le monde ! S’agit-il des aumôniers militaires ? rien de plus simple, la question est facile à résoudre : affaire de cléricalisme, le crédit est supprimé et le tour est fait ; mais, direz-vous, l’institution existe en vertu d’une loi votée par la dernière assemblée, elle ne peut disparaître que par un acte commun des pouvoirs législatifs ; la supprimer ainsi par subterfuge, par un refus