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mission du personnage qui « prenait le nom et le titre de ministre des affaires étrangères de l’Égypte. » Les fonctionnaires orientaux sont toujours agréablement surpris quand, en Europe, les gouvernemens prennent leurs fonctions au sérieux, et il n’est pas sans exemple qu’ils en aient conçu quelquefois une véritable reconnaissance. Aussi le gouvernement anglais n’a-t-il jamais manqué d’informations sûres touchant les affaires de l’Égypte, et lorsque plus tard des négociations furent ouvertes pour l’achat des 176,000 actions du canal de Suez, on connut exactement au foreign office le moment précis où l’intervention du chancelier de l’échiquier était devenue opportune et devait réussir. Du reste on eut à se féliciter, dans le monde entier, de ce dénoûment. Ce fut là fin d’un procès interminable, — « l’Angleterre contre le canal de Suez, » — Un de ces procès qui durent des siècles et menacent de s’éterniser. Les parties opposées furent transformées en associées, les gouvernemens délivrés des menaces de litiges continuellement suspendues sur leurs têtes, et les intérêts sérieux engagés dans cette entreprise faite de bonne foi, décidément mis à l’abri de nouvelles atteintes.

Pour en revenir à la réforme judiciaire, on sait qu’elle a fini par se faire accepter partout, et qu’elle fonctionne en ce moment au grand soulagement des justiciables. Des tribunaux mixtes, composés de magistrats instruits et intègres, prononcent en ce moment des arrêts dont la compétence et l’équité sont jusqu’à présent incontestables. La justice est rendue au nom du souverain territorial. Rien de plus juste. C’est une grande satisfaction donnée à la dignité et à l’amour-propre, d’ailleurs légitime, de l’autorité Ottomane. Est-ce tout ? Cette autorité aura-t-elle jamais à se repentir d’avoir ainsi, comme on dit vulgairement, « rogné ses propres ongles ? » Voilà que l’Europe a pris un nouveau pied en Orient, avec ses codes, ses lois, et la rigoureuse impartialité de ses tribunaux. Comment l’arbitraire et l’absolutisme s’entendront-ils avec ce voisin incommode ? Ne s’excluent-ils pas l’un l’autre ? Il fut un temps où les précédens vice-rois de redoutaient nullement l’intervention de quelques agens européens. Ils se croyaient sûrs de leur concours ; au prix de certains égards, ils bénéficiaient presque toujours de leur intervention, qui les allégeait d’ailleurs de toute responsabilité. Mais ces temps-là sont passés. Les tribunaux récemment institués paraissent être de ceux « qui rendent des arrêts et non pas des services. » Et les nouveaux magistrats semblent disposés à se montrer d’autant plus inaccessibles aux influences, qu’ils ont à préserver leur dignité de toute supposition injurieuse et calomniatrice. Ils ont d’ailleurs une grande mission, celle de créer la justice juste en Orient ! Nous les croyons parfaitement résolus à n’y point faiblir. Aussi qu’est-il