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pour les menées dont ce gouvernement a été coupable, en préparant pour le printemps des révoltes et des insurrections dans la Moldo-Valachie, en Serbie et en Bosnie contre le sultan :

Non lex est justior ulla
Quam necis artifices arte perire suo.


Il est vrai que ces insurrections, ou éclatées ou préparées, ne menacent de mort ni l’empire russe ni l’empire ottoman ; la Russie saura mettre l’ordre dans les provinces, et la Turquie saura apprendre à Couza, aux princes de Servie et aux Bosniaques qu’il vaut mieux rester fidèle à son souverain que d’écouter les conseils subversifs d’un voisin ambitieux. Mais, pour le moment, la Russie souffre dans son intérieur le mal qu’elle a l’intention d’infliger à un voisin in offensif. Vous concevez bien que je parle maintenant des cent mille et plus de fusils que le gouvernement russe a envoyés en Serbie et en Bosnie par des chemins détournés et avec toutes sortes de précautions pour cacher ce que l’on faisait, et je songe aussi à cette nuée d’agens provocateurs qui, venant de la Russie, travaillent dans les provinces européennes de la Turquie. »

Voilà sur quel ton l’on permettait à Palmerston d’écrire. L’affaire de Pologne ne l’intéressait guère que dans ses rapports avec la politique française ; quand la Prusse fit avec la Russie une convention militaire qui permettait de poursuivre les insurgés polonais sur son territoire, il écrivit au roi des Belges (13 mars 1863) :

« Votre majesté aura appris que nous avons refusé de tomber dans le piège que l’empereur des Français nous a tendu en nous offrant de faire une note identique violente destinée à être présentée à la Prusse. On espérait évidemment que les demandes faites dans cette note seraient repoussées ou qu’on y répondrait évasivement : on aurait ainsi offert à la France un prétexte pour occuper les provinces rhénanes prussiennes ; le gouvernement français a montré beaucoup de mauvaise humeur quand ce plan a échoué ; mais tout danger n’est pas évité pour la Prusse et pour les autres états. Si la révolution polonaise continue, si la Prusse est amenée à se joindre de quelque façon à une action active contre les Polonais, l’empereur des Français, tôt ou tard, sous un prétexte ou un autre, entrera certainement dans les provinces prussiennes pour obliger la Prusse à la neutralité. » Il exhorte le roi des Belges à user de son influence sur le roi de Prusse pour qu’on ne fournisse aucun prétexte à la France.

Palmerston faisait le guet autour de Napoléon III : il laissa lord Russell écrire dépêches sur dépêches, faire des discours à Blairgowrie, demander naïvement des institutions représentatives pour la