Page:Revue des Deux Mondes - 1876 - tome 16.djvu/884

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

obligations personnelles et politiques sont peut-être ceux qui nous ont le plus détestés. Que gagnerions-nous à substituer Henry V ou les d’Orléans à la race des Bonaparte ? Quoi qu’il en soit, je dis de Louis-Napoléon : laudo manentem. S’il tombe, ndus nous efforcerons naturellement d’être en aussi bons termes avec ceux qui, après lui, seront les organes officiels de la nation française ; mais nous n’avons aucun désir de le voir tomber. »

Palmerston suivait avec anxiété les développemens de la question d’Orient ; il cherchait un allié contre la Russie ; son enthousiasme croissant pour le prince-président s’explique par les assurances mystérieuses qu’il recevait de l’Elysée. Le 3 décembre, le comte Walewski, ambassadeur à Londres, annonça à lord Palmerston le coup d’état du prince Napoléon ; le ministre des affaires étrangères n’en parut nullement surpris ; il ne cacha point que l’acte « hardi et décisif » du président lui semblait nécessaire et avantageux pour la France et pour l’Europe.

A peine le comte Walewski l’avait quitté, il écrivit à lord Normanby : « Nous, qui ne pouvons être supposés en savoir autant qu’on en savait à Paris sur les manœuvres des bourbonnistes, nous ne pouvons être surpris si Louis-Napoléon a frappé le coup à l’heure où il l’a fait, car il est bien connu que la duchesse d’Orléans allait être appelée à Paris cette semaine avec son fils pour recommencer une nouvelle période de gouvernement orléaniste. Naturellement le président a eu vent de ce qui se passait, et s’il est vrai, comme le disent les journaux, que Changarnier ait été arrêté à quatre heures du matin, en conseil avec Thiers et d’autres[1], il y a bonne raison de croire que les burgraves allaient frapper le président ce jour même, et qu’en conséquence il a agi en vertu du principe qu’une bonne attaque est souvent la meilleure parade. » Lord Normanby avait écrit des dépêches « qui se prêtaient aussi bien au succès des burgraves qu’à celui de Louis-Napoléon. » Palmerston le réprimande, il lui interdit de voir les burgraves. « J’ai des raisons de penser, parce que cela m’est revenu de plusieurs côtés, que le président a été quelquefois conduit à inférer, en raison de votre intimité sociale avec le parti des burgraves, que vos sympathies politiques sont plutôt inclinées vers eux que vers lui. » Il le morigène, il se moque des scrupules constitutionnels que lord Normanby a exprimés. « Ce respect pour la loi et la constitution, que dans votre dépêche d’hier vous dites habituel aux Anglais, ce respect est du à des lois justes et équitables, faites à l’abri d’une constitution fondée sur la raison, consacrée par son antiquité, par la mémoire des longues années de bonheur qu’elle a procurées à une

  1. Il n’y avait de vrai que la nouvelle des arrestations.