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Novare Palmerston dut renoncer à régler les destinées de la péninsule dans une conférence de Londres ou de Bruxelles (après avoir fait une objection absolue à Vienne, dont l’atmosphère politique lui semblait pestilentielle, il s’était rabattu sur le choix de Bruxelles). L’Italie retomba sous le joug, et Palmerston ne put que prêcher la modération aux vainqueurs.

Il vit avec défiance l’occupation de Rome par une armée française et insista vivement pour que notre gouvernement fît des conditions au pape avant de le laisser revenir, pour qu’on lui demandât des réformes, une constitution. Tandis que dans ses dépêches il argumente, avance et recule, c’est dans les lettres à son frère qu’on trouve le fond immuable de sa pensée. « Il me paraît clair, lui dit-il dès le 7 juillet 18,9 au sujet de cette question romaine, que le pape ne sera plus ce qu’il a été, et que son pouvoir spirituel sera très diminué par la réduction ou par la perte de son autorité temporelle. C’est là certes une bonne chose pour l’Europe tant catholique que protestante, et si cela finit par nationaliser fortement et localiser l’église catholique dans chaque pays, ce sera un grand point de gagné et un pas considérable dans le sens du progrès pour les sociétés humaines. » Palmerston n’avait jamais compris la religion autrement que nationale ; il ne concevait pas un pouvoir spirituel qui ne fût matérialisé dans des provinces, une vérité qui ne fût enfermée entre des frontières. Il ne pouvait pas déguiser ses mépris pour Tocqueville, dont l’âme timorée s’inclinait devant une puissance spirituelle ; il se moquait de sa générosité, cherchait à lui faire honte en lui reprochant d’être l’instrument d’un Schwarzenberg, de Ferdinand de Naples. La république existait encore de nom en France ; il écrivait à Normanby : « Ma conviction est que, tôt ou tard, Rome deviendra une république. » Cette conviction était-elle bien sincère, ou ne cherchait-il qu’à flatter les sentimens républicains de Tocqueville ? Il était meilleur prophète quand il peignait ainsi l’avenir de l’Autriche : « L’empereur tient l’Italie, mais ne la gardera que jusqu’au jour précis où la France cessera de le permettre. La première querelle entre l’Autriche et la France fera sortir les Autrichiens de la Lombardie et de Venise. Il tient la Hongrie et la Galicie, mais ne les gardera qu’aussi longtemps que la Russie le permettra. La première querelle avec cette puissance détachera ces pays de la couronne autrichienne. Il règne sur ses provinces allemandes en vertu d’une tenure qui dépend, en une grande mesure, de sentimens auxquels il lui sera également difficile de se rallier ou de résister. » (Lettre à Ponsonby.)

Quand il s’exprimait ainsi, l’Autriche venait d’être sauvée par les armes de la Russie : si plus tard elle étonna l’Europe par son ingratitude, pour rappeler une expression célèbre, elle ne surprit guère