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au discours du trône parlait de la nation hongroise. Stratimirovitch proposa par un amendement l’expression : les nations de la Hongrie. Mais de semblables réclamations n’étaient que des protestations. La diète croate avait demandé pour le royaume tri-unitaire une autonomie semblable à celle de la Hongrie ; elle fut dissoute.

C’est à cette époque qui marque le renouvellement des luttes des nationalités en Hongrie que se fonde chez la jeunesse serbe une association destinée à faire grand bruit, l’Omladina, littéralement « l’association de la jeunesse. » — « Au mois d’août 1866, nous dit M. Picot, les étudians de Novi-Sad avaient organisé une espèce de congrès auquel avaient pris part des députations venues de différentes villes de Hongrie et de Serbie ; ils s’étaient proclamés solidaires les uns des autres, avaient résolu de travailler de concert à l’éducation nationale par la publication d’un journal et de livres d’enseignement édités à frais communs ; enfin ils avaient décidé qu’ils s’assembleraient chaque année dans une ville indiquée d’avance, afin de resserrer par un commerce régulier les liens qui les unissaient déjà. L’association, qui n’avait d’abord qu’un but purement littéraire, ne pouvait manquer de prendre un caractère politique. Tous ceux qui avaient à cœur le progrès national, qui rêvaient de voir les Serbes occuper définitivement une place parmi les peuples européens, s’empressèrent de participer à l’œuvre patriotique des étudians de Novi-Sad. En quelques mois, l’Omladina s’étendit dans toutes les provinces habitées par les Serbes, et constitua non plus une simple société mais un parti considérable. Ce parti donnait son entière approbation à la ligne de conduite suivie par Soubbotitch et Milétitch, et revendiquait les droits imprescriptibles du peuple serbe ; il n’était pas hostile aux Magyars par principe, mais croyait l’entente impossible tant que l’égalité des races ne serait pas reconnue. » Ce parti de la jeune Serbie, qui survécut à l’association de l’Omladina, dissoute en 1873, prit aussitôt la direction du mouvement national, malgré les difficultés que lui créa le gouvernement hongrois, malgré l’animosité jalouse d’une partie du clergé serbe, malgré l’hostilité des hommes qui gouvernaient alors à Belgrade.

Le cabinet de Belgrade se proposait en effet de se ménager les bonnes grâces du gouvernement hongrois. En 1867, lorsque l’Omladina voulut tenir sa seconde réunion à Belgrade, la réunion fat dispersée par le gouvernement serbe. L’hostilité entre l’Omladina et les ministres de Belgrade passa à l’état aigu, et lorsque le prince Michel de Serbie fut assassiné en 1868, le ministre serbe Hristitch[1] en profita pour essayer de discréditer l’Omladina en la dénonçant comme instigatrice du complot. Le crime avait été en effet

  1. Il ne faut pas confondre ce nom avec celui de M. Ristitch, actuellement président du ministère de Belgrade.