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Il ne se passa dans la Batchka et dans le banat aucun fait de guerre important, sinon quelques engagemens où les forces serbes, désorganisées, eurent le dessous.

Les Slaves de la monarchie avaient pris parti pour l’empereur, mais ils en furent mal récompensés : au despotisme du parti hongrois succéda la réaction allemande. La même impitoyable répression atteignit toutes les nations de la Hongrie, les ennemis des Magyars aussi bien que les Magyars eux-mêmes. On désarma les Serbes, leur administration nationale fut dissoute ; leurs journaux subirent les mêmes rigueurs que les journaux magyars ; les membres de l’ancien comité furent expulsés. Et en effet l’autorité impériale, victorieuse de la révolution, ne pouvait laisser subsister aucune organisation révolutionnaire, pas même celles qui avaient été indirectement ses auxiliaires. Notons un détail de l’histoire du temps, bien qu’il n’ait à nos yeux qu’une mince importance : l’empereur Nicolas, s’intéressant au sort de ses coreligionnaires, fit distribuer à ses frais de nouveaux livres liturgiques aux églises serbes que les Magyars avaient pillées.

Les Serbes néanmoins n’avaient lieu de se plaindre qu’à moitié. En considération des services qu’ils avaient rendus pendant la guerre de Hongrie, l’empereur, par une patente du 18 novembre 1849, forma un territoire spécial des districts serbes qui étaient en dehors des confins, c’est-à-dire de la Batchka, du banat de Temesvár (soit les comitats de Bácz-Bodrog, de Torontál, de la Temes et de Krassó), et de deux districts du comitat de Sirmie. Ce territoire devait s’appeler « voïvodina de Serbie et banat de Temesvár, » et avoir une administration spéciale. « Afin, disait l’empereur, de donner à la nation serbe de notre empire, conformément aux vœux qu’elle nous a exprimés, un témoignage de reconnaissance qui honore ses souvenirs nationaux et historiques, nous sommes disposé à ajouter à notre titre impérial celui de grand-voïvode de la voïvodina de Serbie, et à conférer au chef administratif du territoire de la voïvodina le titre de vice-voïvode. Nous attendons du peuple serbe que, fortifié dans son attachement et dans sa fidélité envers notre maison impériale par le double témoignage que nous lui donnons actuellement de notre bienveillance et de notre grâce, il vivra dans un lien intime avec la monarchie tout entière, dans une union pacifique et bien réglée de nations jouissant des mêmes droits et dans une égale participation aux institutions accordées à tous les peuples de notre empire, le gage le plus sûr de son développement progressif, de sa prospérité croissante et de celle du pays qu’il habite. » Tel fut pour les Serbes de la Hongrie propre (les confins étant exceptés) le résultat de la révolution et de la guerre hongroise de 18Â8-1849.