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Beaucoup d’officiers des confins qui s’étaient tenus à l’écart ou avaient quitté leurs régimens révoltés, firent adhésion au comité lorsque celui-ci se rencontra, par suite de circonstances, être du côté de l’empereur. Les commandans des places méridionales qui les défendaient contre les Serbes pour le gouvernement hongrois, Temesvár et Arad, se prononcèrent pour l’empereur. On était alors en octobre.

Les Serbes n’étaient pas unis ; il y avait une lutte sourde et une profonde rivalité entre le patriarche Rajatchitch et Stratimirovitch ; celui-ci avait vu le commandement militaire dévolu au colonel Mayerhofer, lorsque les Serbes, se trouvant du côté de l’empereur, durent accepter le chef que celui-ci leur envoyait. Le commandement avait ensuite passé au colonel Chouplikatz, élu voïvode au printemps, et qui revenait d’Italie : la cour le confirma dans cette dignité. Stratimirovitch essayait cependant, par des sortes de pronunciamientos, de reprendre le commandement des forces serbes. La plus grande confusion régnait au camp serbe ; plusieurs fois les Serbes ne furent sauvés que par l’énergie de Knijanine et par le désaccord qui régnait aussi au camp hongrois.

Cependant le patriarche agissait auprès de l’empereur pour obtenir qu’il sanctionnât les vœux émis par le congrès de mai. Il obtint enfin, le 15 décembre, un manifeste impérial dans ce sens. François-Joseph relevait la dignité de patriarche (en faveur de Rajatchitch), de voïvode (en faveur de Chouplikatz), et il ajoutait qu’après le rétablissement de la paix un de ses premiers soins serait de rétablir l’organisation intérieure et nationale des Serbes. L’insurrection serbe était achevée ; les Serbes n’étaient plus que les auxiliaires de l’armée impériale en Hongrie. Dès les premières victoires de cette armée, en mars 1849, le gouvernement révolutionnaire des Serbes fut dissous, son drapeau remplacé par les couleurs impériales, la langue allemande introduite de nouveau dans les confins, et la loi martiale étendue des comitats magyars au territoire serbe. Knijanine rentra en Serbie avec les volontaires qu’il commandait. En reconnaissance des services rendus par les troupes serbes, le gouvernement autrichien confirma dans leur grade de généraux révolutionnaires Knijanine et Stratimirovitch, comme plus tard le gouvernement italien devait faire pour les « généraux » des bandes garibaldiennes[1]. La constitution qu’octroya François-Joseph promettait une organisation spéciale à la « voïvodina de Serbie, » mais maintenait l’organisation des confins. Les Magyars n’étaient pas vaincus ; on sait qu’ils ne le furent que dans la campagne de 1849, à la suite de l’intervention russe. On sait aussi quel rôle jouèrent dans cette lutte les troupes croates du ban Jélatchitch.

  1. Improvisé général dans l’armée autrichienne, Stratimirovitch fut bientôt mis à la retraite avec la pension de son grade.