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constitution d’une voïevodina serbe et pour l’union de celle-ci avec les trois royaumes de Croatie, Slavonie et Dalmatie. C’était le programme de l’illyrisme. Avant de se séparer, le congrès organisait une sorte de gouvernement révolutionnaire dans un comité de quarante-huit membres chargé de poursuivre la réalisation du programme serbe. Le patriarche, accompagné d’une députation, devait soumettre à l’empereur les résolutions adoptées par le congrès.

Le congrès n’avait duré que deux jours ; quand il eut pris toutes ses mesures et organisé son comité, le gouvernement hongrois s’aperçut que les Serbes étaient en insurrection ouverte. Le comité, sommé de se dissoudre, ne tint pas compte de la sommation. Le comité avait mis à sa tête un jeune homme ardent dont le nom était prononcé il y a quelques semaines, George Stratimirovitch. Stratimirovitch appartenait à une ancienne famille de la Batchka qui avait donné à l’église serbe de. Hongrie un métropolitain resté populaire. Il avait été officier du génie dans l’armée autrichienne, mais il avait dû quitter le service à la suite d’événemens romanesques. Le comité vit bientôt son autorité reconnue par le peuple serbe, et, le gouvernement hongrois ayant fait appel a la force, les Serbes prirent les armes. L’insurrection, bornée d’abord à la région serbe soumise à l’autorité civile, gagna les confins. Plusieurs régimens des confins, malgré les efforts de leurs officiers supérieurs, se déclarèrent pour l’insurrection. Au bout de quinze jours, l’insurrection avait une armée de près de 15,000 hommes (parmi lesquels les soldats entraient pour une forte proportion) et 40 pièces de canon.

Il serait sans intérêt de raconter les péripéties de cette guérilla entre les Serbes et les troupes hongroises qui eut pour théâtre la Batchka et le banat. Il suffira d’en indiquer le caractère et les principales phases. Les Magyars parlaient avec mépris de « ces Rasciens qui se prétendent un peuple et ne sont qu’un ramassis de brigands ; » ce sont des paroles de Kossuth. Le comité serbe confia à Stratimirovitch le commandement des forces insurgées, et c’est là l’origine de son « généralat. » La principauté de Serbie envoya des volontaires, bien qu’officiellement le prince édictât des peines contre ceux de ses sujets qui passeraient la frontière. Ces volontaires, dont le nombre monta jusqu’à 12,000 à la fois, étaient commandés par un sénateur de la skoupchtina de Belgrade, Knijanine, homme énergique et habile : dans leurs rangs combattit un officier serbe qui devait plus tard être ministre de la guerre de la principauté, et un des tuteurs du prince Milan, le major Blasnavatz. Dans cette grande débâcle du royaume de Hongrie, l’empereur restait neutre entre les Serbes et les Hongrois ; mais lorsque les Hongrois se mirent en révolte ouverte, les Serbes se trouvèrent devenir les soldats de la légalité, et le ban croate Jélatchitch leur donna la main.