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plus simple et en codifia pour ainsi dire les principes et l’usage. La réforme de Vouk ne fut pas sans rencontrer de l’opposition chez les lettrés serbes et surtout dans le clergé. Il dépossédait en effet de son prestige la langue ecclésiastique, langue qui, comme le latin en Occident, était commune à toutes les églises slaves et partant comprise des lettrés de tous les pays slaves, et il la remplaçait par la langue populaire, comprise seulement des Serbes. Ces préventions régnèrent encore longtemps dans le camp ecclésiastique, mais sans avoir aucune autorité au dehors. La ville de Novi-Sad, devançant Belgrade, encore turque, avait dès 1781 une imprimerie serbe créée par Emmanuel Jankovitch. Un journal serbe bi-hebdomadaire avait été fondé en 1791 à Vienne ; il vécut peu de temps. En 1813, Dimitri Davidovitch (né à Semlin en 1789) en fonda un autre qui dura jusqu’en 1822. Le principal obstacle que rencontrait la littérature serbe à sa naissance était la difficulté que les auteurs éprouvaient à se faire imprimer. Quelques écrivains eurent l’idée de demander à l’association les ressources qui leur manquaient et, après quelques tâtonnemens, ils fondèrent à Pesth la Matiça serbe : le nom allégorique de Matiça signifie « la reine des abeilles. » L’association admettait un nombre illimité de membres, et en retour de leur cotisation annuelle leur adressait les ouvrages publiés sur le budget commun. Par contre-coup, la Matiça réunissait et groupait tous les hommes qui prenaient à cœur le développement de la littérature et par suite de l’idée nationale. L’institution était heureuse, aussi fut-elle adoptée, avec le nom allégorique que lui avaient donné les Serbes, par les autres peuples slaves de l’empire d’Autriche, Tchèques, Croates, Slovaques, Slovènes et Ruthènes. A partir de 1825, la Matiça publia sous le titre de Letopis (annales) une revue trimestrielle, et à partir de 1828 une série d’ouvrages de littérature, inaugurée par une traduction du Zadig de Voltaire. L’activité de la Matiça ne se borna pas là, et, grâce à des dotations dont la gratifièrent de riches patriotes, elle put contribuer au progrès de l’instruction par de nombreuses bourses. Le développement de la Serbie indépendante devait lui faire perdre une partie de son importance : la création en 1847 de la Société scientifique de Belgrade, sorte d’académie nationale, déplaça le centre littéraire sertie, jusque-là en Hongrie. En 1865, la Matiça transporta son siège de Pesth à Novi-Sad, la principale ville serbe de la Hongrie. A la même époque se fondait dans cette ville une Société du théâtre national, qui réussit à créer un théâtre serbe à Novi-Sad ; les premiers acteurs furent des Serbes qui avaient figuré dans des troupes de cabotins allemands. Les revues, les journaux se fondaient[1].

  1. Au commencement de 1874, il paraissait en Hongrie onze revues et journaux serbes, parmi lesquels deux journaux quotidiens à Novi-Sad.