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sans retard la réincorporation du banat, décidée en principe depuis 1779 déjà. On en fit trois comitats, ceux de Torontál, de Ternes et de Krassó, et, ajoutant la région frontière aux confins déjà existans, on la partagea en trois régimens. Cette affaire réglée, la diète répondit aux Serbes qu’elle ne pouvait détacher en leur faveur aucune parcelle du territoire hongrois. Néanmoins elle ne pouvait refuser aux Serbes toute concession, surtout en ce qui touchait l’égalité de droits. Refusant aux Serbes la faveur de former une province séparée, elle ne pouvait en même temps les exclure de la société hongroise. Ces négociations aboutirent à l’article 27 de la loi de 1790-1791 ; cet article accordait le droit de bourgeoisie aux habitans du rite oriental, les déclarait aptes aux emplois, honneurs et dignités dans le royaume de Hongrie, et leur reconnaissait pleine liberté dans l’exercice de leur culte et dans l’administration de leurs biens ecclésiastiques et de leurs écoles. Les Serbes devenaient enfin citoyens hongrois.

Les Serbes n’étaient pourtant pas satisfaits. Ils ne gardaient leur autonomie que dans le domaine religieux, et, connaissant l’aristocratie magyare, ils se doutaient bien que l’égalité de droits qu’on leur promettait resterait illusoire. L’empereur Léopold, voulant faire davantage pour eux, rétablit l’ancienne députation aulique sous le nom de chancellerie aulique illyrienne, et la chargea d’examiner les réclamations des Serbes, notamment sur la question de la dîme : malgré les anciennes lois et les privilèges, les Serbes étaient contraints de payer la dîme à l’église catholique. La chancellerie illyrienne soumit à l’empereur un projet de décret qui donnait satisfaction à plusieurs griefs des Serbes ; la chancellerie hongroise et le conseil de guerre aulique étaient défavorables à ce projet. Sur ces entrefaites, Léopold mourut, et son successeur Joseph adopta une autre politique. Le contre-coup de la révolution française ne disposait pas le souverain en faveur des idées d’émancipation, et la noblesse magyare, avec son organisation féodale et sa passion dominatrice, donnait un solide appui au principe d’autorité. Dans ces conjonctures, l’empereur avait trop besoin de la Hongrie pour ne pas lui faire de concessions ; les Serbes l’apprirent à leurs dépens.

Le premier soin des Magyars fut de faire supprimer (en 1792) la chancellerie illyrienne, à peine établie. Les Serbes étant devenus citoyens hongrois, cette direction spéciale n’avait plus de raison d’être ; du reste, par compensation, les évêques serbes seraient admis à siéger dans la diète, et un certain nombre de Serbes devaient être attachés à la chancellerie hongroise et au conseil de lieutenance. Ces promesses devaient être en grande partie illusoires : les évêques serbes furent pendant longtemps (jusqu’en 1827) empêchés de siéger à la diète par la situation humiliante qu’on