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connaître leur existence. Ainsi plusieurs palatins, du royaume de Hongrie aux XIe et XIIe siècles étaient Serbes ; une cavalerie serbe figure à la même époque dans la guerre des Hongrois contre les Allemands. Au XIIIe siècle, les Serbes sont mentionnés avec honneur dans la lutte contre les Tatare et dans la guerre avec la Bohême ; plusieurs de leurs capitaines reçurent en récompense des terres des rois de Hongrie. Les Serbes de Hongrie étaient restés fidèles au catholicisme de rite oriental, car on voit, à diverses reprises, les rois de Hongrie, à l’instigation du saint-siège, essayer de les amener au rite latin. Ainsi en 1234 le roi Bela avait ordonné, mais sans succès, à ses sujets hérétiques et schismatiques de revenir au catholicisme. Au siècle suivant, le roi Louis Ier, enjoignait au foispan (comes supremus) d’un comitat (celui de Krassó) d’arrêter les prêtres du rite oriental avec leurs familles et de les remplacer par des prêtres catholiques de Dalmatie. Ces conflits religieux se prolongèrent pendant toute l’histoire de Hongrie et contribuèrent pour une grande part à maintenir la discorde d’une façon permanente.

C’est pourtant à une époque postérieure que s’établirent en Hongrie les Serbes dont les descendans ont conservé jusqu’à ce jour leur nationalité. L’empire serbe avait perdu son indépendance dans la sanglante bataille de Kossovo (15 juin 1389), dont le souvenir n’a pas cessé de vivre dans l’âme du peuple serbe. Les Turcs se rendirent maîtres de la rive droite du Danube, et les Serbes devinrent leurs tributaires. Les Serbes gardaient pourtant leur organisation intérieure sous le gouvernement de leurs princes, qui avaient changé leur nom de tsar pour le titre plus modeste de despote ; plus d’une fois les despotes essayèrent, en s’appuyant sur les rois de Hongrie et en leur faisant hommage, de se rendre indépendans des Turcs. Il n’en fut rien, et les Serbes durent se résigner à supporter la domination musulmane ou à émigrer. Ceux qui émigrèrent se réfugièrent naturellement dans le pays chrétien le plus voisin, en Hongrie. Les Serbes qui existaient déjà en Sirmie[1], dans la Batchka[2] et dans le banat de la Ternes[3], virent leur nombre augmenté par l’arrivée de fugitifs. C’était à la fin du XIVe siècle et au commencement du XVe. À cette époque remonte la fondation d’églises et de monastères serbes sur la rive gauche du Danube. Ces premiers réfugiés se fixèrent plus au nord encore. Au commencement du XVe siècle ou peut-être dès le milieu du siècle précédent, une

  1. Le pays compris entre la Save et le Danube au nord du confluent de ces deux cours d’eau.
  2. La région entre le Danube et la Tisza (Theiss).
  3. Ce nom, formé du slave ban « seigneur, » signifie étymologiquement seigneurie et désigne à peu près ce coin sud-est de la Hongrie qui forme aujourd’hui les comitats de Torontàl, Krassó et Temesvàr.