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ancienne poésie et de l’histoire de notre langue. Nous avons eu au XIIe et au XIIIe siècle un admirable épanouissement de poésie nationale ; devons-nous, faute de quelque étude, et quand nous sommes avertis par les savans étrangers, continuer d’abdiquer cette part de notre héritage, comme l’ont trop fait les deux derniers siècles ? Comment saurons-nous la langue même dont nous nous servons aujourd’hui, si nous ne sommes pas curieux d’en connaître la formation et les origines ? Des conférences de philologie et de paléographie française s’ouvriraient donc utilement auprès de nos facultés comme à l’école des Chartes, car il est temps que de telles études sortent du cercle étroit de l’érudition spéciale, et il ne semblerait pas excessif de souhaiter que tout professeur de rhétorique fût capable de scander et de bien entendre les vers de nos poèmes antérieurs au XVIe siècle. — Au double enseignement des littératures grecque et latine il convient que s’adjoignent, pour le pénétrer peu à peu et le fortifier, non pour le dessécher et l’amoindrir, ceux de l’archéologie et de l’épigraphie, à moins que nous ne voulions renoncer à prendre notre part du mouvement qui transforme depuis trente ans la science de l’antiquité. — Confier à un seul homme, dans chacune de nos facultés départementales, l’enseignement de toute l’histoire, bien plus, lui imposer, comme on l’a fait, de traiter alternativement, dans chaque période triennale, de l’histoire ancienne, de l’histoire du moyen âge, de l’histoire moderne, c’est un procédé bien peu scientifique, c’est condamner naïvement le professeur à ne rien faire que de superficiel, c’est sacrifier à un public quelquefois peu soucieux de la vraie science les jeunes gens qui la recherchent. Qu’un maître habile de l’enseignement secondaire puisse parler avec intérêt et profit pour ses élèves tantôt de l’histoire ancienne et tantôt de l’histoire moderne, cela se comprend, car il n’a pas à faire preuve d’érudition ; mais en va-t-il de même pour l’enseignement supérieur, et où est-ce donc que se fera la science, si ce n’est dans les chaires de nos facultés ? Nul n’ignore quelles différentes qualités d’esprit réclament de si différentes études : l’observateur des temps modernes doit savoir lutter contre l’abondance quelquefois désespérante des documens originaux, contre l’éblouissement des rayons qui affluent, tandis que l’historien de l’antiquité doit se faire sa lumière à lui-même en recueillant avec dextérité les faibles vestiges épars.

En résumé, une vive renaissance d’érudition s’est manifestée depuis un demi-siècle ; la France, par plusieurs hommes éminens, a donné à ce mouvement la première impulsion. De Sacy, Champollion, Eugène Burnouf, y ont été à la fois les premiers par la date et les premiers par le génie, et c’est pourtant ailleurs (il faut bien le