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Comment procéder en littérature, si ce n’est par des expositions, accompagnées d’analyses, d’explications, de commentaires des textes, où l’esprit, le goût, l’accent moral seront toujours, quoi qu’on dise et qu’on fasse, les plus précieuses qualités ? Ou bien veut-on qu’en un temps où l’esprit public, en France et dans le reste de l’Europe, laisse déjà trop en oubli les grands noms de notre littérature, nos facultés les négligent pour ne s’occuper que d’érudition ? Nul réformateur n’y consentirait. Y a-t-il une autre manière d’étudier et d’enseigner l’histoire que de s’initier par un commerce continu et par des études attentives à la connaissance des monumens originaux, et de s’attacher à l’examen raisonné des institutions, des lois, des traités, plus qu’à la série indéfinie des guerres ? On se trompe d’ailleurs et l’on trahit une inexpérience particulièrement fâcheuse lorsqu’on croit que, pour qui a du cœur, ce soit une tâche vaine et légère que d’apporter à un public qu’on respecte, et sur lequel on n’a pas, à cette condition, si peu d’influence et de crédit, des expositions claires, précises, nourries autant que possible de faits et de pensées ? Il faut bien qu’on les puisse écouter, ces expositions philosophiques, littéraires, historiques, et, à cause de cela, il se peut que tel subtil problème n’y soit touché qu’en quelques mots ; libre à l’auditeur, au disciple, à l’ami inconnu, de noter au passage tel point, recommandé à une plus ample étude, de vérifier tel texte qu’on a rapidement commenté, de combattre tel résultat, telle conclusion que l’on a adoptée. Rien ne s’oppose à ce que le maître revienne sur les points contestés ou discutables, rien ne l’empêche, — et personne n’ignore que dans la pratique cela se fait ainsi, — de consacrer une de ses leçons hebdomadaires à cet enseignement de discussion et de détail où peut se déployer tout son savoir.

Ce qui est vrai cependant, c’est que l’enseignement supérieur n’a pas pour unique objet une haute culture intellectuelle et morale planant au-dessus des connaissances pratiques et du savoir spécial ; il comprend aussi certaines applications de la science où intervient particulièrement l’érudition, avec les procédés rigoureux et les méthodes sévères, sans lesquelles la haute culture elle-même devient inerte et vide, l’esprit s’émousse, la vaine rhétorique envahit, la formule stérile remplace la pensée. Précisément plusieurs de ces sciences, comme on les appelle, ont acquis de nos jours une importance et un développement dont il faut tenir un grand compte ; chacune d’elles revendique une place pour elle-même, toutes ensemble veulent exercer une influence générale et commune. À côté des leçons dans lesquelles un professeur, homme d’esprit et de goût, commente les plus belles pages de la littérature française, il en faut en effet d’érudites pour une patiente étude de notre