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personnelles ne profitent pas à l’enseignement en même temps qu’à l’avancement de la science. Il y a dans nos lycées des hommes qui savent très bien concilier avec l’entier dévoûment à leurs graves fonctions le soin de leur avenir scientifique ; il importe beaucoup que le nombre de ces hommes-là augmente ; il n’importe pas moins qu’ils sachent observer dans le choix de leurs sujets de travaux et dans la manière de les traiter une sévère discipline : c’est à quoi le progrès des méthodes dans nos écoles supérieures doit sans cesse contribuer.

Pour ce qui est de notre enseignement supérieur, et particulièrement de celui que distribuent nos facultés des lettres, on n’ignore pas de quelles persistantes objections il est devenu l’objet. A les entendre, cet enseignement ne forme pas d’élèves ; au lieu de leçons critiques de nature à exercer les esprits, il procède par expositions, plus propres à intéresser un public qu’à instruire de réels disciples. Et il devient de mode de proclamer avec dédain que l’enseignement supérieur n’existe pas en France, ou bien que, s’il existe, il va mourir à coup sûr, à moins qu’une prompte et profonde réforme ne vienne à son aide. Tel a été le désordre des idées en un moment de ferveur réformatrice, qu’on a écrit officiellement que la principale fonction des facultés était non pas l’enseignement, mais la collation des grades. — Que pensent de ces griefs les hommes que leur âge et leurs services ont élevés à l’enseignement supérieur, qui ont prouvé leur dévoûment aux intérêts de l’instruction publique, et auxquels il n’est pas interdit d’émettre des avis impartiaux ? Ils se rappellent d’abord avoir formé cette génération nouvelle qui prétend faire beaucoup mieux qu’ils n’ont fait : ils n’ont donc pas étouffé ni laissé s’alanguir ces jeunes esprits ; ils se rappellent ensuite qu’eux-mêmes ont parlé jadis à peu près de la sorte ; ils ont déclaré qu’eux aussi ils dépasseraient leurs devanciers ; on leur a pu dire ce qu’en un double sens ils peuvent dire à leur tour :

Vous êtes aujourd’hui ce qu’autrefois je fus.


Doit-on s’en étonner ? Chaque génération n’est-elle pas ainsi l’organe et l’instrument d’un réel progrès, image de la transformation des milieux et des temps ? Cela n’empêche pas de reconnaître les mérites individuels : on condamne en bloc, on absout par nombreuses exceptions.

Ceux qui ont le noble souci du mieux doivent prêter l’oreille à toutes les critiques, et chercher de quelles observations il convient de faire son profit ; mais c’est aussi leur devoir en même temps que leur droit de signaler, parmi ces critiques, ce qu’ils croient apercevoir de confusion dangereuse et d’excès. Il doit arriver à ceux qui parlent