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évidente d’inventer sans cesse et de dire du nouveau à chaque leçon ; mais assurons-nous d’abord du plus difficile, c’est-à-dire d’une véritable valeur scientifique, d’une instruction solide et précise chez les jeunes maîtres : les qualités didactiques, mesure, clarté, goût, viendront par surcroît à la suite d’une forte préparation à laquelle n’auront manqué ni le dévoûment moral ni la constante élévation de la pensée.

Sous le titre d’École française de Rome, un décret présidentiel du 20 novembre 1875 a fondé en Italie un nouveau foyer de hautes études destiné précisément à essayer de concilier la science érudite et l’enseignement, et d’où notre pays tirera, nous l’espérons, honneur et profit. L’opinion a favorablement accueilli la pensée du ministère de l’instruction publique : l’Institut en a accepté le patronage immédiat ; la commission du budget et les chambres n’ont pas mis de limites à leur bon vouloir ; l’École a déjà travaillé et donné des résultats. Cependant, soit à cause de sa date toute récente, soit parce qu’elle n’a pas commencé de publier ses travaux, elle n’est connue encore que dans un cercle relativement peu étendu. En dehors et même sur les confins du monde savant, elle est ignorée, ou bien son organisation, son objet, sa raison d’être sont imparfaitement comprises. Peut-être sera-t-il permis à celui qui a eu l’honneur d’être désigné pour en inaugurer la direction de se faire l’organe des intentions, des vœux, des espérances, l’interprète des combinaisons et des premiers efforts dont témoigne l’institution nouvelle. Quelle en est l’utilité promise ? Quels travaux est-on en droit d’en attendre ? Quels moyens a-t-on pris et pourra-t-on prendre encore pour aider à les obtenir ? Quels résultats sont dès maintenant acquis ? Il s’agit d’intérêts élevés, auxquels nul ne reste indifférent, c’est-à-dire du progrès de la haute culture intellectuelle dans notre pays, et peut-être aussi d’un certain tour nouveau à donner à la direction de notre enseignement public.


I

Il y a longtemps que la science française envoie au dehors, particulièrement en Italie, des chargés de missions scientifiques et littéraires : tel de ces voyages, entrepris au XVIIe ou au XVIIIe siècle, fait aujourd’hui la gloire de notre érudition. Mabillon en 1685 et Montfaucon en 1698 vont d’abbaye en abbaye, d’église en église, étudier la diplomatique, les antiquités ecclésiastiques, la paléographie ; ils rendent d’éminens services pour la composition des immenses recueils que publient les bénédictins de Saint-Maur, et laissent après eux des relations et des répertoires qui nous servent encore