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s’inclinent, tous les yeux sont mouillés de larmes. Elle est pâle, beaucoup plus pâle que de coutume. Elle porte une robe de satin blanc à la fois très simple et très riche ; sur sa tête est placée une couronne d’orangers sans diamans, d’où s’échappe un voile disposé de façon à ne pas cacher son visage… Mais entrer dans ce détail, ce serait nous écarter de notre but. Nous cherchons ici des choses nouvelles qui contribuent à éclairer certaines parties de l’histoire, nous n’avons pas à décrire des cérémonies consacrées par l’usage et qui sont toujours les mêmes, ou à peu près, dans toutes les circonstances analogues. Notons seulement, puisque l’occasion s’en présente, quelques termes du rituel anglican appliqués ici pour la première fois à une reine d’Angleterre dans toute leur simplicité puritaine ; c’est la première fois en effet, depuis le XVIe siècle, qu’une reine d’Angleterre se marie selon ce rituel : Marie Tudor était catholique, Elisabeth ne s’est point mariée, la reine Anne était mariée déjà quand elle monta sur le trône. C’est pour cela sans doute que le Times a tenu à signaler ce détail.

Le service était dit par l’archevêque de Cantorbéry, assisté de l’évêque de Londres. Au moment où les deux époux engagent leur foi, l’archevêque dit au prince : « Albert, veux-tu prendre cette femme pour ta légitime épouse, afin de vivre avec elle selon le commandement de Dieu dans le saint état de mariage ? veux-tu l’aimer, la soutenir, l’honorer, la garder en état de maladie comme en état de santé, et, ne recherchant aucune autre femme, lui demeurer toujours fidèle, tant que vous vivrez tous deux ? » Le prince répondit d’une voix ferme : « Je le veux. » Alors l’archevêque, s’adressant à la reine, répéta les mêmes paroles : « Victoria, veux-tu prendre Albert pour ton légitime époux, afin de vivre avec lui selon le commandement de Dieu dans le saint état du mariage ? Veux-tu lui obéir, le servir, l’aimer, l’honorer, le garder en état de maladie comme en état de santé, et, ne recherchant aucun autre homme, lui demeurer fidèle aussi longtemps que vous vivrez tous deux ? » La reine, d’une voix ferme et d’un accent qui fut entendu dans toutes les parties de la chapelle, répondit : « Je le veux. » L’archevêque ajouta aussitôt : « Qui donne cette femme en mariage à cet homme ? » Alors le duc de Sussex, placé sur la gauche de la reine, s’avança, lui prit la main, et dit : « C’est moi[1]. »

Au milieu de ces cérémonies, les unes singulières et gothiques, les autres chrétiennement touchantes, il y avait une chose qui dominait tout, c’était la joie cordiale de la nation. Quand la cour revint de la chapelle de Saint-James au palais de Buckingham, et

  1. « Who giveth this woman to be married to this man ? » — « I do. » — Ces détails sont tirés d’un long article du Times publié le 11 février 1840 et reproduit en entier dans l’appendice du livre de la reine.