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une multitude immense, pressée sous les fenêtres de l’hôtel où était descendu le royal cortège, saluait encore de ses cris joyeux le nom du fiancé de la reine ; le prince, répondant à ces appels, se montra au balcon, et les acclamations redoublèrent. Enfin, le 8 février dans l’après-midi, au jour et à l’heure fixés pour l’arrivée à Londres, le cortège, traversant les flots du peuple et salué à chaque pas d’applaudissemens frénétiques, atteignit le palais Buckingham, où il fut reçu par la reine et la duchesse de Kent.

Faut-il maintenant raconter la cérémonie même du mariage, comme elle fut célébrée le dimanche 9 février 1840 ? Faut-il peindre le royal cortège se rendant du palais Buckingham au palais Saint-James ? Faut-il décrire cette chapelle de Saint-James illustrée par tant de solennités du même genre ? Faut-il peindre ces splendeurs du luxe et ces souvenirs séculaires, tout ce que l’aristocratie a de plus éclatant et tout ce que la tradition a de plus étrange, le cortège du fiancé, le cortège de la reine, ces rois d’armes, ces sergens aux armes, ces gentilshommes aux armes, ces pages d’honneur, ces trompettes, ces gentlemen gardiens des insignes du moyen âge, ce premier ministre portant l’épée de l’état, ces dames de la chambre, ces douze ladies non mariées (twelve unmarried ladies) portant les colliers des ordres de la reine, ces maîtres de ses chevaux, ces mistress de ses robes, ces jeunes filles d’honneur (maids of honour), ce gardien de la bourse, ce porteur du bâton d’or ? Faut-il rapporter les incidens de cette procession solennelle ? Faut-il signaler parmi tant de personnages ceux que les spectateurs applaudissent et ceux qui passent inaperçus ? Les renseignemens ne nous manquent pas à cet égard, le journal le Times en a fourni de très curieux, et le général Grey, collaborateur de la reine, n’a pas hésité à les reproduire dans son tableau des Early years. On verrait par exemple le duc de Norfolk, malgré l’éclat de sa race, n’exciter aucune attention, et lord Melbourne, quoique porteur du glaive de l’état, ne pas faire plus d’effet qu’un figurant obscur. On verrait au contraire les sympathies publiques s’attacher à telle et telle princesse de la famille royale, à la princesse Augusta de Cambridge, si affable et si belle, à son altesse royale la duchesse de Cambridge, conduisant par la main sa jeune fille, la princesse Mary. Surtout quels élans d’admiration lorsque paraît le prince Albert portant l’uniforme de maréchal de l’armée anglaise ! À ses épaules est suspendu le collier de l’ordre de la Jarretière. Il est ému, son regard doux et pensif lui gagne d’avance tous les cœurs. Il est accompagné de son père, le duc régnant de Saxe-Cobourg-Gotha, de son frère, le prince héréditaire, qui reçoivent tous deux l’accueil le plus cordial et en paraissent ravis. Enfin voici la reine ! Tous les fronts