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ordre du conseil (order in council), comme le régent l’a fait pour le prince Léopold. — Je rentrai chez moi, je copiai les paroles dont le régent s’était servi en 1826 pour fixer le rang du prince Léopold, et je les envoyai à lord Melbourne. »

C’est précisément ce conseil de Stockmar qui finit par prévaloir. Il eût fallu, d’après lord Brougham, que le rang accordé au prince Albert fût limité au temps que durerait la vie de la reine ; la reine rejeta cette idée comme indigne d’elle, et le bill fut retiré ou du moins réduit, ainsi que l’avait demandé Wellington, à un simple bill de naturalisation ; quelques mois après, un décret de la puissance royale assurait au prince-époux le premier rang après elle « dans toutes les circonstances, dans toutes les réunions, excepté seulement les cas où un autre rang lui serait assigné par un acte du parlement. » Ces derniers mots, nous dit le savant éditeur des Souvenirs de Stockmar, se rapportent a une loi du temps d’Henri VIII qui fixait les cas de préséance dans la chambre haute et dans le conseil privé. Il est bien évident que les décrets émanés de la prérogative royale devaient s’incliner devant la loi.

Ces laborieuses et déplaisantes discussions avaient été enfin terminées le 3 février 1840 ; le 3 février, le prince Albert, accompagné de la noble escorte que la reine lui avait envoyée jusqu’en Saxe, faisait son entrée dans Londres et descendait a Buckingham- Palace.


IV

Les personnages chargés par la reine d’accompagner le prince en Angleterre étaient lord Torrington et le colonel Grey. Ils étaient partis de Londres le 14 janvier, emmenant trois voitures de la cour. Ils arrivèrent à Gotha le 20 dans l’après-midi, furent présentés le même jour au duc, à la duchesse douairière, reçurent d’eux, ainsi que des jeunes princes, l’accueil le plus cordial, et s’entretinrent longuement avec le prince Albert. Ils apportaient les insignes de l’ordre de la Jarretière destinés à l’auguste fiancé ; le duc régnant de Saxe-Cobourg-Gotha, lui-même chevalier de l’ordre, avait été désigné par lettre-patente de la reine pour remettre ces insignes à son fils et lui donner l’accolade. Cette cérémonie eut lieu le 23 devant toute la cour, avec la plus grande solennité. Il y eut ensuite plusieurs jours de fête, puis le prince dut songer au départ. Les adieux offrirent un caractère bien touchant ; le prince, malgré l’ivresse de son bonheur, ne put s’arracher sans déchirement à sa famille, à ses amis, à tout ce qui lui rappelait un passé si paisible et si doux. On pleurait autour de lui ; l’aïeule surtout, la bonne