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acceptaient la responsabilité de la réponse suivante adressée à sir Robert Peel : « la reine, ayant réfléchi sur la proposition que lui a faite hier sir Robert Peel d’éloigner les dames de sa chambre, ne peut consentir à un procédé qu’elle croit contraire à l’usage et qui répugne à ses sentimens. » Là-dessus, sir Robert Peel déclina la mission de former un cabinet, et les ministres reprirent leurs portefeuilles.

Les principaux historiens du parlement anglais au XIXe siècle, M. May, M. Todd, sont d’accord aujourd’hui pour donner raison à Robert Peel. Dans la situation où se trouvait la cour, la demande du chef des tories était nécessaire et, au point de vue du droit, rien n’était plus correct. Stockmar est d’avis que lord Melbourne à manqué à son devoir en ne dissuadant pas la reine de blesser ainsi les tories. « Ces derniers événemens m’affligent, écrit-il dans son journal. Comment a-t-on pu faire commettre de pareilles fautes à la reine et causer un tel dommage à la monarchie ? Le rôle de Melbourne était d’accorder au pays une épreuve pratique où l’on pût juger si un cabinet tory était en mesure de vivre. À sa place, j’aurais été enchanté de voir Wellington et Peel assis quelque temps au gouvernail. S’ils eussent réussi, c’était la preuve que le cabinet de Melbourne n’en avait plus que pour bien peu de temps ; s’ils eussent échoué, la considération de la reine demeurait intacte, et Melbourne était non-seulement autorisé aux yeux de tous, mais appelé à revenir au pouvoir avec un cabinet modifié. »

Voilà donc la reine, dès la seconde année de son règne, associée aux whigs beaucoup plus qu’il ne convenait, et personnellement exposée aux colères de la société torie. La royauté britannique descendait un peu de ses hauteurs, et, mêlée aux partis, elle pouvait y perdre quelque chose de son prestige. L’insouciance de lord Melbourne avait causé tout le mal. Une affaire bien autrement grave que celle des dames de la chambre, une affaire étrange où ce n’est plus d’insouciance qu’il s’agit, une affaire tragique chargée de responsabilités inquiétantes, c’est l’histoire de lady Flora Hastings, qui eut lieu dans cette même année 1839. Lady Flora Hastings, demoiselle d’honneur de la duchesse de Kent, vivait avec la duchesse à la cour de la jeune reine. Pendant l’hiver de 1839, on crut remarquer chez elle certain changement de taille et d’allure qui fit naître les soupçons les plus graves. Aussitôt grand émoi parmi les dames de la chambre. L’honneur de la compagnie est en cause. On croit devoir prévenir la reine et une enquête médicale est ordonnée. Une enquête ! une enquête médicale, sur une simple apparence ! N’est-ce pas aller un peu vite et courir au-devant du scandale ? Lady Flora, notez ce point, appartient à une grande famille tory. Si la chose s’ébruite, il est certain qu’on accusera les whigs d’avoir choisi une