Page:Revue des Deux Mondes - 1876 - tome 16.djvu/782

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

sous le ministère de lord Melbourne qu’eut lieu le changement de règne, c’est-à-dire l’avènement de la jeune reine au trône de la Grande-Bretagne.

Le 24 mai 1837, la fille de la duchesse de Kent accomplissait sa dix-huitième année. Elle se trouvait apte désormais, en cas de mort du roi, à prendre possession de la couronne sans qu’il y eût besoin de nommer un prince-régent. Les choses ne pouvaient arriver mieux à point. Un mois ne s’était pas écoulé que la santé du vieux souverain, gravement atteinte depuis plusieurs semaines, inspira les plus sérieuses inquiétudes. Le 20 juin, Guillaume IV rendit le dernier soupir.

Avant même que la princesse Victoria fût devenue la reine, dans l’espace de temps bien court qui sépara sa majorité de son avènement, il était facile de prévoir qu’elle serait exposée à bien des difficultés. Les intrigues allaient se croiser autour d’elle. Whigs et tories se disputeraient sa confiance. On tâcherait de préparer à Kensington la future cour de Windsor. Le roi des Belges connaissait trop bien ce terrain des stratégies parlementaires de Londres pour ne pas se préoccuper des périls auxquels sa nièce allait être exposée. Ce fut ce moment-là qu’il choisit pour donner Stockmar à la princesse Victoria comme le plus sûr des conseillers et le plus dévoué des amis. L’ancien médecin du prince Léopold, le docteur qui avait soigné le duc de Kent à son lit de mort et veillé sur le berceau de la future reine, a pu invoquer bien des titres d’honneur, il n’en a pas de plus précieux que celui-là. Nous-même, dans ces libres pages, si nous l’avons plus d’une fois critiqué, si nous nous réservons de le combattre encore chaque fois que nous le verrons s’abandonner à de haineuses passions contre la France, nous n’éprouvons pour lui que des sentimens de respect quand nous le voyons partir pour Londres, envoyé par le roi des Belges au service de la princesse Victoria. Il y arriva le 25 mai 1837, le lendemain du jour où la princesse avait atteint l’heure de sa majorité.

Qu’était donc Stockmar auprès de la princesse Victoria depuis le 25 mai 1837 ? que fut-il, après le 20 juin, lorsque la reine Victoria eut remplacé Guillaume IV ? une sorte de secrétaire particulier. Tâche bien délicate dans un pays comme l’Angleterre ! un secrétaire particulier, c’est presque un confident, et si ce confident est adroit, il peut devenir bientôt un centre actif et secret, le centre des plus grandes affaires. Cette question des secrétaires particuliers du souverain avait donné lieu depuis une quinzaine d’années à d’assez vifs débats. Aucun des rois de la maison de Brunswick-Hanovre avant George III n’avait eu de secrétaire particulier ; le vieux roi en prit un quand il devint aveugle (1805), et quoi qu’il