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l’engagèrent dans plus d’une faute. C’est ainsi que les grandes dames du monde tory lui firent congédier le 12 novembre 1834 le ministère whig de lord Melbourne, pour le remplacer par un ministère Wellington. Il ne comprenait pas que les whigs, ayant accompli en 1832 la réforme électorale, étaient seuls en mesure d’introduire ce régime nouveau, de le régler, de le tempérer, tandis que les tories irriteraient les passions et compromettraient la chose publique.

Les notes de Stockmar renferment à ce sujet trois pages fort curieuses de lord Palmerston. C’est une relation de cette crise ministérielle, écrite le jour même où lord Melbourne reçut son congé du roi. Le ministre des finances, lord Althorp, étant passé de la chambre des communes à la chambre des lords par suite de la mort de son père, lord Spenser, le ministère s’en trouvait un peu affaibli devant les communes, mais non pas au point d’abandonner la partie. Lord Melbourne exposa très loyalement la situation à Guillaume IV. Que devait faire le roi ? Attendre que la majorité se déclarât par un vote significatif. Au lieu de cela, il prit les devans, et dit à lord Melbourne : « Vous n’avez pas la majorité à la chambre haute, vous allez la perdre à la chambre des communes. C’est le moment de vous retirer. Je vais m’adresser au duc de Wellington. » L’entretien avait lieu au pavillon de Brighton. Lord Melbourne revint aussitôt à Londres et informa ses collègues de la décision du roi : « Je suis sûr, écrit lord Palmerston dans une note datée de ce jour-là, je suis sûr que le duc des Wellington sera au pavillon aujourd’hui même. « Il ajoute que tout cela était un jeu préparé, que l’affaire avait été conclue d’avance entre le duc et le roi, que la raison alléguée était un prétexte ridicule. Quoi ! Guillaume IV renvoie ses ministres parce que la majorité qui les soutient s’est affaiblie à la chambre des communes, et il les remplace par des hommes sans aucun pouvoir dans cette chambre, des hommes tout à fait impopulaires, quelle que soit d’ailleurs leur autorité dans la chambre des lords ! Cette mesure lui paraît tellement funeste, tellement grosse de conséquences désastreuses qu’il n’y peut songer sans frémir. « De deux choses l’une, dit-il, ou le parlement sera dissous, ou bien il ne le sera pas. S’il ne l’est pas, l’opposition sera furieuse, elle gagnera une force énorme et battra le gouvernement. Or, pendant la bataille, whigs et radicaux seront étroitement mêlés, et dans l’entraînement de la passion politique, les premiers ne tarderont pas à s’identifier avec les seconds. Ajoutez à cela que la menace de la dissolution planera toujours sur notre tête, et qu’en prévision de la lutte prochaine, nos gens, pour flatter leurs électeurs, tiendront des discours violens, prendront des engagemens irréfléchis.