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tout ce qui peut nous procurer quelque plaisir. La cousine aussi est extraordinairement aimable avec nous[1]. » Ce n’est qu’un mot, mais ce mot est expressif, et le silence même qui le suit aussitôt nous invite à deviner les secrètes émotions de ces jeunes âmes. Je note ici en passant un trait curieux et délicat. Cette lettre écrite en allemand se trouve tout entière dans l’appendice de l’ouvrage du général Grey publié sous la direction de la reine Victoria ; or la traduction anglaise insérée dans le texte du récit ne donne pas les paroles que je viens de citer. N’y a-t-il pas là une discrétion charmante, une pudeur féminine et royale ? La reine se garderait bien de supprimer cette lettre, elle n’ose toutefois en traduire tous les termes, craignant de révéler trop vite ces premières joies de son cœur qui furent comme un premier aveu. Plus tard, après les fiançailles, la reine se montrera moins discrète, et nous la verrons citer sans aucun embarras les lettres où s’épanouit si gracieusement la fleur des chastes amours.

Le duc et ses deux fils, installés au palais de Kensington chez la duchesse de Kent, ne restèrent pas plus de quatre semaines en Angleterre. Ils revinrent à Bruxelles en passant par la France. On voit dans les lettres du prince Albert quel aimable accueil Ils reçurent à la cour du roi Louis-Philippe. Revenu à Bruxelles, il écrivait le 30 juin à sa grand’mère : « Je profite du retour de mon père à Cobourg pour vous donner enfin de mes nouvelles. Je l’aurais fait avant de quitter Paris, si j’en avais eu le loisir. L’hôtel des Princes où nous sommes descendus, nous a paru à tous une résidence most horrible ; il y avait un tel vacarme dans la rue que nous avions peine à entendre notre propre voix… Nous n’avons pas vu seulement tout ce qu’il y a de curieux à voir dans la ville même, nous avons fait plusieurs excursions très intéressantes dans les environs. Nous avons visité Meudon, Montmorency, Neuilly, Versailles, Trianon, etc., et partout nous avons été frappés de la beauté du spectacle. À la cour, nous avons été reçus avec la plus parfaite bonté, la plus exquise politesse, et nous sommes obligés de nous associer sans réserve aux grands éloges que chacun accorde à la famille royale. »

Voilà donc les deux princes, Ernest et Albert de Saxe-Cobourg-Gotha, installés à Bruxelles au mois de juin 1836. Leur père les a quittés pour retourner à sa résidence de Gotha. Les deux frères vivent auprès de leur oncle, le roi des Belges, non pas tout à fait avec lui, non pas au château de Laeken ni au palais royal de Bruxelles, mais dans un hôtel où ils pourront continuer plus commodément leurs études. ils y restent dix mois, puis au mois d’avril

  1. Auch die Cousine ist ausserordentlich freundlich mit uns.