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ce sont là des tentatives isolées, qui n’ont pas eu le privilège d’exciter l’émulation et de répandre le goût d’une étude à laquelle ne s’attachaient ni un intérêt ni des devoirs professionnels.

Aujourd’hui la situation a complètement changé. Le chef de l’état connaît et aime l’Algérie, où il est populaire, et qui a foi en sa sollicitude aussi éclairée que bienveillante. Une de ses premières pensées, en prenant le pouvoir, a été pour cette France d’outremer. Il ne pouvait mieux répondre aux vœux de la population qu’en confiant l’autorité supérieure aux mains éprouvées d’un compagnon d’armes glorieux et capable, également dévoué à ce pays où il a fait toute sa carrière. Aussi, au milieu du concert d’acclamations qui salua l’arrivée du général Chanzy, l’on n’entendit détonner que les voix de ceux qui font profession de n’être jamais contens de rien ni de personne. Le gouvernement qui succéda à l’empire avait repris en Algérie la tradition éminemment nationale de l’assimilation progressive. Cette politique, la seule qui ait jamais produit des résultats, le général Chanzy la proclamait en débarquant, il l’affirmait aussitôt par ses actes ; il s’y est encore plus solennellement engagé en ouvrant la dernière session du conseil supérieur colonial. L’unité de juridiction en est à la fois une forme et l’un des moyens les plus efficaces. Il n’y a guère de voie plus sûre en effet que l’unité de juridiction pour arriver à l’unité de législation civile, qui est notre principal but. Le droit civil constitue le lien social par excellence, étant la règle fondamentale et permanente des rapports des hommes. Le nôtre repose sur des principes d’individualisme et de liberté qui sont à l’antipode des idées des Arabes. Pour nous, le droit individuel prime régulièrement l’intérêt général, auquel il n’est sacrifié que par exception. Chez les Arabes au contraire, l’individu s’absorbe dans la communauté ; de là ce phénomène de l’indivision, dont la conséquence est de frapper d’une véritable mainmorte les biens possédés par les indigènes. Au lieu de réagir contre ces tendances, l’administration française y a longtemps prêté les mains dans l’intérêt de la politique de séparation. La loi du 26 juillet 1873, en rendant applicables à tout le territoire algérien notre législation sur la propriété, ainsi que les dispositions du code civil qui autorisent chaque successible à distraire sa part d’un patrimoine commun, inaugurait des principes plus rationnels. Cette loi d’émancipation et de progrès est loin toutefois d’avoir encore réalisé les bienfaits qu’en attendaient ses auteurs et dont elle contient incontestablement le germe. L’application n’en a même eu guère jusqu’ici que de désastreux effets pour les indigènes qu’elle ruine par les frais d’affranchissement hypothécaire. L’élévation de ces frais provient, non de la cherté du coût des actes, mais de leur