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différens, elles suivent selon le cas la loi de la situation des immeubles, ou celle du lieu où la convention s’est formée. — Ces mesures comportent-elles une approbation sans réserve ? — En substituant à la juridiction si populaire des djemâas celle de juges de paix ignorant la loi indigène qu’ils devaient appliquer, et pour la plupart entièrement neufs dans les fonctions judiciaires et dans le pays, n’a-t-on pas cédé à un désir d’innovation prématuré ? C’est ce qui déjà semble résulter de l’expérience, puisqu’un décret du 29 septembre 1874 a rétabli l’autorité judiciaire des djemâas dans certains territoires.

La préférence des indigènes pour leurs tribunaux propres, tient surtout à la crainte de ne pas trouver chez nos juges de paix, qui leur inspirent à tous autres égards le respect et la confiance, une connaissance suffisante de la loi musulmane. Ces magistrats ne sont point assistés des assesseurs indigènes adjoints aux membres de la cour et des tribunaux de première instance, qui doivent cependant pour la plupart à une longue pratique l’expérience des affaires musulmanes dont manquent des juges de paix débutant dans la carrière, de sorte que le défaut de garantie apparaît surtout là où le besoin de garantie se fait le plus sentir. Pour les causes susceptibles d’appel, l’inconvénient disparaît en partie sans doute, mais les contestations les plus fréquentes portent sur des intérêts peu considérables que règle en dernier ressort le tribunal de paix. Si les tribunaux musulmans doivent faire place aux nôtres et que les législations indigènes continuent néanmoins de subsister, il faut que celles de leurs dispositions qui ne concordent pas avec notre droit, comme en matière d’état civil, mariages, divorces, successions, et divers contrats de prêt et d’industrie, deviennent familières à notre magistrature à tous les degrés. Cette nécessité s’impose non-seulement dans l’intérêt de la meilleure distribution de la justice, mais aussi en vue du concours de la jurisprudence à la préparation des lois. Le général Chanzy serait en conséquence disposé, dit-on, à provoquer la création de chaires de droit musulman pour les aspirans aux fonctions de la magistrature algérienne. On comprend qu’au milieu des perpétuelles incertitudes résultant du manque de fixité des institutions, celle-ci se sentit faiblement encouragée à pareille étude. Quelques-uns de ses membres s’y sont adonnés cependant avec zèle et succès. On leur doit d’intéressans et savans travaux, parmi lesquels les deux volumes sur le statut personnel et les successions, récemment publiés par M Sautayra, conseiller à la cour d’Alger, en collaboration avec M. le professeur Cherbonneau, se placent en première ligne pour la sûreté de la méthode, l’abondance et le choix judicieux des documens et la valeur critique. Mais