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environ, mais qui est devenu plus qu’incorrect. Pour donner au système de la stabilité, il faudrait rendre fixe une pièce prise pour type qui appartiendrait à l’un des deux métaux. Dans la loi de l’an XI, c’était la pièce d’argent de 1 franc ; tout le monde aujourd’hui, sauf peut-être M. Rouland, reconnaîtrait que désormais ce devrait être une pièce d’or.

Une première difficulté de ce second programme serait de déterminer le rapport qui devrait être substitué à celui de 15 1/2. Impossible aujourd’hui de le fixer une fois pour toutes ou même pour une durée un peu longue, puisque dans le courant de moins d’un mois nous venons de le voir varier de 10 pour 100. Les receveurs des deniers publics seraient induits par les variations que subirait ce rapport à se lancer dans des spéculations dangereuses pour l’état, au moyen des deux métaux qu’ils auraient en caisse. Substituer à un rapport fixe un rapport mobile, — et quelle mobilité ne faudrait-il pas pour se conformer au cours des métaux sur la place ? — aurait de nombreux inconvéniens et rencontrerait beaucoup d’obstacles. Le conseil des cinq-cents et le conseil des anciens avaient voulu, sous le directoire, organiser ainsi une mobilité périodique, mais on n’en put trouver une formule acceptable. Lorsqu’on aurait à changer la valeur des monnaies d’argent, relativement aux pièces d’or, procéderait-on en les refondant, ce qui coûterait fort cher si l’on y recourait souvent, ou règlerait-on par une loi que, ces pièces restant les mêmes, leur cours changerait ? L’une et l’autre méthode seraient embarrassantes et incommodes.

Enfin est-il sage, est-il politique, est-il praticable de nous isoler du mouvement qui est commun aux plus grands états de l’Europe et aux États-Unis ? De toutes parts aujourd’hui on se porte vers l’étalon unique d’or en restreignant l’argent à des fonctions accessoires. Pouvons-nous faire autrement, sous peine de susciter des ennuis et des gênes à notre commerce international ? L’or n’a-t-il pas par sa portabilité des avantages dignes d’être pris en grande considération dans tous les pays riches, et qui lui ont conquis déjà la faveur publique ? Les états même qui ont l’étalon d’argent reconnaissent la supériorité de l’or en ce sens que, s’ils négocient des emprunts, ils y introduisent la clause que les arrérages seront payés en pièces d’or déterminées d’avance. La force des choses nous ramène ainsi aux conclusions du conseil supérieur à la suite de l’enquête de 1869-1870 et aux mesures qu’il recommande ; sachons en prendre la résolution, puisqu’il le faut.


MICHEL CHEVALIER.