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« En ce qui concerne l’Europe, beaucoup dépend du parti que prendront les gouvernemens des différens états où la question du système monétaire à adopter définitivement reste à résoudre. Votre comité n’a pas pensé qu’il lui appartînt de s’enquérir des intentions de ces gouvernemens, quoique des indications à ce sujet se rencontrent dans les documens officiels fournis au comité par le ministère des affaires étrangères. A cet égard, le comité se borne à faire remarquer qu’il est évident que, si la substitution de l’or à l’argent est adoptée dans les pays où elle est praticable, et si l’or, en raison des avantages qui lui sont propres pour le commerce international, est le métal préféré même parmi les peuples pour lesquels l’argent est une habitude, l’argent étant ainsi dépossédé de la fonction qu’il avait toujours occupée d’instrument des échanges sur une superficie au moins égale à celle qui était au pouvoir de l’or, il est impossible d’assigner une limite à la dépréciation inévitable qu’il subirait. Votre comité doit s’abstenir d’exprimer une opinion touchant la convenance de ce changement et la nécessité d’y recourir. »


Avant d’aller plus loin, il est bon de répéter ici que, contrairement à une opinion accréditée dans le public, ce n’est point l’état qui en France fabrique et émet la monnaie. A plus forte raison, la monnaie n’est point fabriquée pour le compte de l’état. Le monnayage est une industrie confiée à des entrepreneurs appelés directeurs des hôtels des monnaies, qui travaillent pour leur compte ou pour celui des particuliers, dans des conditions fixées par le gouvernement et sous le contrôle permanent et vigilant de l’administration des monnaies. Tout particulier qui a des lingots a le droit de les faire monnayer. Le billon d’argent ou de cuivre fait exception à cette règle parce que c’est une émission qui donne de beaux profits que l’état a dû se réserver. Il a pour cela des arrangement avec les directeurs des hôtels des monnaies. L’état a pu quelquefois se trouver détenteur des matières d’or et d’argent, et alors il les a fait monnayer de la même manière que s’il eût été un particulier.

Une des conséquences directes et inéluctables de la forte et croissante dépréciation que subit l’argent depuis quelques années, c’est le renversement définitif d’une aberration contre laquelle les plus solides esprits s’étaient prononcés déjà dans le XVIIe siècle, et que par les raisonnemens subtils dont l’avaient enveloppée des esprits ingénieux, M. Wolowski et M. Cernuscbi, entre autres, on était parvenu a rendre attrayante ; nous voulons parler de la doctrine du double étalon monétaire. Cette doctrine, telle qu’elle est formulée par ses propagateurs les plus dévoués, de MM. Wolowski et Cernuschi à M. Rouland, est radicalement fausse : non en ce qu’elle autorise et prescrit la circulation simultanée, autant que possible,