conduite suivant les principes européens, et elle laisse pressentir de quelle façon l’Inde pourra un jour organiser sa propre autonomie. A vrai dire, ces progrès relatifs, même dans les royaumes les plus avancés, ne se développent et surtout ne se maintiennent que par l’action indirecte de l’Angleterre, toujours à l’arrière-plan pour réprimer les écarts et appuyer les réformes ; mais il faut réfléchir que la diffusion croissante de l’instruction finira par développer au sein même des états indigènes le contre-poids aujourd’hui représenté par cette influence du dehors.
Le gouvernement anglais ne s’occupe pas que des mineurs placés sous sa tutelle, il fait aussi tous ses efforts pour persuader à ses vassaux de donner à leurs héritiers une instruction dont malheureusement ces souverains n’apprécient pas encore les avantages, parce qu’ils ne l’ont pas reçue eux-mêmes. Il a cependant réussi dans sa tentative d’établir à Rajkote et à Rajkumar des collèges respectivement destinés aux jeunes chefs du Rajpoutana et du Kattywar. A Rajkumar, on comptait, en 1872, 22 pensionnaires, et 29 en 1875. « Leur conduite est excellente, affirme un rapport officiel ; ils ont tous des poneys, et on leur fournit un bon gymnase où ils montrent beaucoup d’entrain, comme au reste dans tous les jeux de leurs récréations. » Le rapport se tait sur leurs progrès intellectuels ; cependant il est clair qu’ils ne sortent pas de cet établissement sans quelque teinture des connaissances regardées comme la base de toute éducation complète, et surtout nécessaires à de futurs souverains. On en a du reste la preuve dans le discours qui fut adressé en 1875 au gouverneur de Bombay par les chefs du Rattywar réunis sur son passage. « Le pays, comme votre excellence en jugera elle-même, est en plein état de paix ; la justice progresse, les manufactures se développent, les routes et les ponts se construisent ; les écoles se multiplient. Nous admettons franchement que ce grand changement, accompli de nos jours, est dû aux conseils bienfaisans du gouvernement britannique ; toutefois nous réclamerons le mérite d’avoir adopté ces conseils avec empressement et d’avoir admis leur justesse, quoi qu’il en coûtât à nos habitudes et à nos traditions. » Ce langage exagère peut-être le développement matériel de la contrée ; mais il jette un jour heureux sur les dispositions mentales d’une classe plongée hier encore dans les ténèbres de l’ignorance et de la barbarie féodales.
On conçoit que les Anglais eux-mêmes ne soient pas toujours d’accord sur la meilleure façon de gouverner leur empire de l’Inde. Les uns regrettent les beaux jours du gouvernement paternel,