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d’avertissemens plus significatifs. Si le scandale persiste, on lui retire les honneurs et les prérogatives que le gouvernement anglais lui avait conférés, notamment les saluts d’artillerie qui constatent par le nombre des détonations le rang et le crédit de chaque prince. Enfin, comme mesure extrême, on lui enlève son pouvoir, soit définitivement, au profit de son successeur légitime, soit temporairement, jusqu’après la réorganisation de son état ; ainsi le maharao d’Ulwar, qui succéda à son père en 1857, désorganisa si rapidement sa principauté que les Anglais durent la lui retirer, au bout d’un an, pour y mettre eux-mêmes un peu d’ordre. Six années plus tard, ils la lui restituaient en pleine prospérité ; mais il s’y livra de nouveau à de telles extravagances qu’en 1870 il versait dans la banqueroute, et que pour la seconde fois il dut être renvoyé avec une pension, pensioned off, comme disent nos voisins.

D’un autre côté, quand un souverain se distingue, soit par ses réformes, soit par ses services, on le comble de toutes les faveurs qui peuvent stimuler l’intérêt ou la vanité. Parmi les princes les plus avancés de l’Inde actuelle il faut compter le maharajah de Jeypore, Ram Sing, qui a spontanément réformé l’administration de ses états, introduit la procédure anglaise dans ses tribunaux, assuré la sécurité de ses routes, attiré un chemin de fer vers sa capitale, organisé un service médical gratuit, fondé une bibliothèque publique, des écoles de filles, une école des arts et manufactures, enfin un établissement d’enseignement moyen comptant aujourd’hui près de mille élèves. Chaque année, son gouvernement dépense plus de 700,000 francs en travaux publics de toute espèce. Parlant lui-même l’anglais avec une certaine facilité, il n’a jamais perdu une occasion de rendre service aux dominateurs de l’Inde, soit en leur prêtant ses troupes pendant la rébellion de 1857, soit en leur ouvrant son trésor pendant la grande famine du Rajpoutana. L’Angleterre, de son côté, n’a pas hésité à lui accorder une réduction considérable de tribut et même à lui céder la souveraineté d’un canton limitrophe. Les 17 coups de canon auxquels il avait droit ont été portés à 19, presque le maximum du salut, et il a obtenu la dignité de grand-commandeur dans cette Étoile de l’Inde, expressément fondée sur le modèle de nos ordres européens, pour récompenser ou flatter les princes indigènes. En 1869, il a même été promu au conseil législatif du vice-roi, c’est-à-dire à la plus haute fonction qu’un natif puisse remplir dans l’administration générale de la péninsule. Enfin, lorsque le prince de Galles visita récemment le nord de l’Inde, son altesse royale se détourna de sa route pour passer quatre journées à la cour de Jeypore, — honneur qu’ont vainement ambitionné, s’il faut en croire la rumeur publique, d’autres princes non moins puissants et illustres. Le rao de