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se rapportent à l’extradition des criminels ainsi qu’à l’engagement d’accueillir un résident anglais et d’accepter l’arbitrage de l’Angleterre en cas de querelle entre princes voisins. En dehors de ces stipulations, certains états conservent une indépendance à peu près complète, par exemple le Nepaul, qui, fièrement campé dans les défilés de l’Himalaya, ne paie pas de tribut et ne tolère la présence d’aucun Anglais sur son territoire ; le résident lui-même ne peut sortir de la capitale ni entretenir de communications avec les autorités de Calcutta que par une route déterminée à l’avance de commun accord. Tel est encore le Cachmir, cette sentinelle avancée de l’Inde vers l’Asie centrale, à qui l’on se contente de réclamer par an un cheval, douze chèvres et six châles. Quelques états frontières, comme le Boutan et le Sikkim, reçoivent même des subsides pour tenir ouvertes les routes commerciales vers le Thibet qui traversent les passes de leurs montagnes. D’autres principautés sont obligées de fournir un contingent militaire ; c’est le cas du nizam, le plus puissant des princes indigènes, qui doit en outre subvenir à l’entretien d’une force anglaise, cantonnée aux portes de sa capitale, pour le surveiller sous prétexte de le protéger. Le reste paie en général des tributs variés, dont le total s’élevait en 1873 à 17,536,000 francs. Aux plus dangereux et aux plus remuans, on limite le nombre d’hommes qu’ils peuvent garder sous les armes. Les plus petits sont fréquemment groupés en cercles, sous la surveillance d’un agent politique, qui possède des droits d’intervention assez étendus dans leur administration intérieure. La plupart exercent encore le droit de vie et de mort sur leurs propres sujets ; quelques-uns cependant doivent référer les cas graves à la haute cour de la province voisine. Tous enfin sont tenus de respecter les droits et privilèges attachés à la personne des sujets britanniques.

On conçoit qu’en garantissant aux souverains indigènes la conservation indéfinie de leur pouvoir, l’Angleterre ait acquis le droit de leur réclamer certaines garanties non-seulement pour la paix de l’empire, mais encore pour le repos de leurs propres sujets. Il n’est pas aisé d’établir les justes limites d’une pareille immixtion dans des gouvernemens dont on a officiellement reconnu l’indépendance. Aussi cette tâche délicate est-elle la principale mission des résidens. On comprend qu’aucune fonction n’exige à la fois plus de tact, de finesse et d’énergie, car c’est surtout pour manier les fiers et rusés potentats de l’Inde qu’il faut mettre un gant de velours sur une main de fer. Lorsqu’un rajah s’endette outre mesure, néglige ses affaires pour son sérail, met la justice aux enchères, abandonne ses grand’routes aux malandrins, et ne respecte plus lui-même l’honneur ni la vie de ses sujets, on commence par lui adresser des remontrances officieuses, bientôt suivies