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l’Indian Mirror, traitent d’insuffisante et d’illusoire. Il est certain que les Anglais n’entendent pas encore livrer à leurs sujets les fonctions essentiellement politiques qui constituent l’apanage du covenanted service ; mais les raisons qu’ils allèguent méritent d’être impartialement pesées.

Le transfert du concours dans l’Inde conduirait infailliblement à une prompte absorption des fonctions publiques par cette classe de babous, particulière au Bengale, qui, de toutes les catégories sociales, est la moins assujettie aux préjugés de caste et la plus avide de s’assimiler l’instruction anglaise. Ce serait donc, — comme fait observer le colonel Chesney, dans son traité On Indian Policy, — une abdication des Anglais, non en faveur de leurs sujets, mais au profit d’une race tout aussi étrangère et encore plus antipathique à la majeure partie des gouvernés. Dans un pays où il n’existe pas de classes moyennes et où toute l’influence sociale se concentre dans les mains d’une autocratie territoriale et nobiliaire, c’est cette dernière qui seule peut servir à organiser un gouvernement viable par lui-même. L’Angleterre aurait beau constituer une administration modèle avec des élémens sans racines historiques comme sans autorité personnelle, le jour où elle se retirerait de la scène, cette organisation factice s’effondrerait comme un château de cartes pour livrer le pouvoir aux hommes qui sont encore aujourd’hui les chefs naturels des populations. Or ceux-ci n’ont ni l’aptitude ni l’expérience nécessaires pour succéder aux Anglais dans l’administration du pays. Leur orgueil de race les a tenus jusqu’ici à l’écart d’écoles publiques où ils se seraient trouvés en contact avec les classes inférieures, et il en est résulté une ignorance tellement générale que c’est à peine si la majorité d’entre eux sait lire une lettre ou apposer une signature au bas d’un document. De plus, ceux mêmes qu’une éducation plus soignée aurait rendus capables de participer au gouvernement, s’en trouvent détournés par la règle qu’aucun natif ne peut atteindre aux positions supérieures de la hiérarchie administrative sans avoir débuté par les degrés les plus infimes de l’échelle.

Le gouvernement anglais a enfin compris qu’il s’engageait dans une fausse voie, et il a résolument abordé le problème de mettre l’éducation de la classe supérieure au niveau de son influence sociale, ainsi que de l’intéresser au maniement des affaires publiques. Plusieurs collèges spéciaux ont été établis pour l’éducation des jeunes nobles, et c’est sans doute en vue d’ouvrir directement à cette classe l’accès des emplois supérieurs que la couronne a récemment permis d’admettre dans le covenanted service les natifs d’un mérite reconnu. D’autres mesures avaient déjà été prises dans le même dessein, par exemple l’institution récente de magistrats