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venus à sa rencontre, 80 marchands, tous en grand costume, tous portant au cou leur chaîne d’or. La vieille Angleterre, dans ce qu’elle avait de plus solide et de plus respectable, ouvrait ses bras à la sainte Russie. Délégués par la compagnie moscovite, ces marchands commencèrent par conduire Osip Népéi dans une grande maison éloignée de 4 milles environ de la ville. Des étoffes d’or, de velours et de soie y furent présentées à l’envoyé d’Ivan Vasilévitch. Osip Népéi s’en composa sur l’heure un magnifique habillement de cheval, puis, après s’être reposé toute la nuit, il fit le lendemain son entrée dans Londres, accompagné de 140 marchands et d’autant de serviteurs en livrée. La reine, de son côté, ne restait pas inactive : 300 cavaliers venaient, suivant ses ordres, se joindre au cortège préparé par la compagnie. A la tête de la nouvelle escorte, on voyait s’avancer le chevalier Montague, que la reine Marie avait chargé d’embrasser en son nom Osip Népéi et de lui faire accueil. On arriva ainsi au nord de la Cité. Un magnifique cheval hongre splendidement caparaçonné piaffait impatient sous la garde de quatre marchands, des plus richement vêtus. Osip enfourcha le coursier dont la compagnie, dans sa munificence, jugeait à propos de lui faire hommage, puis il franchit, porté par sa nouvelle monture, la barrière de Smithfield. A partir de ce point, l’ambassadeur d’Ivan IV cessait en quelque sorte d’être l’hôte de la reine ; il devenait l’hôte du peuple anglais, car au-delà de Smithfield commençaient les fameuses franchises de la Cité de Londres. Le lord-maire et ses aldermen habillés d’écarlate se tenaient déjà prêts à prendre possession de l’illustre étranger. Ayant auprès de lui, d’un côté, le grand magistrat de la cité, de l’autre le représentant de la reine, Osip Népéi s’achemina au milieu d’un immense concours de peuple vers le logement qui lui avait été préparé dans Fant-Church street. Le roi Philippe II était alors en Flandre. On jugea convenable d’attendre son retour pour présenter à la reine l’envoyé du tsar.

Le 21 mars 1557, le prince débarquait en Angleterre. Dès le 25, ’jour de l’Annonciation, l’ambassadeur est mandé au palais de Westminster. Une longue galerie le conduit du vestibule à la salle du trône. Dans cette galerie, Osip trouva rangés les lords, le chancelier, le grand-trésorier, le ministre du sceau privé, l’amiral, l’évêque d’Élie et les autres membres du conseil. Quand il eut fait avec tous ces hauts dignitaires échange de saluts et de politesses, il se dirigea, suivi à distance de ses serviteurs, vers le sanctuaire interdit aux profanes. Osip allait donc enfin pouvoir s’acquitter de l’importante mission que lui avait, l’été précédent, confiée son puissant maître. Arrivé, après tant de traverses, après tant de périls, au terme de sa tâche, le gouverneur de Vologda ne s’arrêta