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en quelques minutes, fut sous voiles. La brise l’emporta vers le sud-sud-ouest, le long de cette côte dont une hydrographie naissante avait, pour ses débuts, trois mois auparavant, si soigneusement décrit et dessiné les divers gisemens. Le 11 septembre 1556, le Searchthrift mouillait à Kholmogory et prenait ses dispositions en vue d’y passer l’hiver. La recherche de l’Oby était ajournée pour longtemps.


III

Le Searchthrift nous a ramenés au fond de ce grand golfe que découvrit, au mois d’août 1553, Chancelor. Profitons-en pour continuer l’étude des rapports, de jour en jour plus intimes, qui vont s’établir entre deux nations que la nature essentiellement différente de leurs produits paraissait avoir faites pour se compléter l’une par l’autre. Ces relations fécondes ont duré sans interruption trois cents ans. L’avenir seul pourra nous apprendre si ce fut une nécessité fatale ou un simple malentendu qui les rompit. Revenons donc, sans plus nous inquiéter du Searchthrift et d’un projet qui ne devait être repris qu’en l’année 1580, revenons aux opérations régulières de la Compagnie moscovite, et par conséquent aux vaisseaux dont s’était séparée la pinnace le 3 et le 7 juin 1556. Conduit de Varduus à l’entrée de la Varsina, le Philippe-et-Marie y avait retrouvé les navires de Durforth et de Willoughby veufs de leurs équipages. Dès les premiers jours de juillet, quatre vaisseaux anglais, l’Édouard-Bonaventure, le Philippe-et-Marie, la Speranza et la Confidentia, occupaient le mouillage de Rose-Island, à l’embouchure occidentale de la Dvina. Grâce aux Russes, la compagnie était de nouveau en possession de ses deux vaisseaux égarés. Comment aurait-elle mis en doute la bonne foi d’Ivan IV ? Le tsar lui réservait d’ailleurs un témoignage plus éclatant encore du prix qu’il attachait à consolider l’œuvre dont Killingworth venait de poser les bases. Le 20 juillet, Osip Népéi Gregorievitch, gouverneur de la ville et du district de Vologda, accompagné de seize autres Moscovites, prit passage sur l’Edouard-Bonaventure pour aller porter « aux excellens princes Philippe et Marie les lettres affectueuses et les présens d’Ivan Vasilévitch. » Ces présens comprenaient, entre autres merveilles, 240 peaux de zibelines, 20 zibelines entières de toute beauté, avec leurs dents, leurs oreilles et leurs griffes, 6 fourrures très rares, que l’empereur seul en Russie a le droit de porter, 4 zibelines vivantes, avec chaînes et colliers, un gerfaut dressé à chasser les oies, les cygnes, les cigognes et les divers oiseaux de grande taille, puis enfin, pour terminer ici cette liste déjà longue, un tambour d’argent