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encore vu de pareille, bien que nous en eussions essuyé beaucoup depuis notre départ d’Angleterre. On a peine à comprendre comment notre frêle barque put résister à ces lames monstrueuses. Dieu, qui n’abandonne jamais ceux qui se confient en lui, vint sans doute à notre aide. Le 20 août, la tempête était dans toute sa fureur ; le vent ne tarda pas à mollir et à tourner au nord. J’estimai que la pointe occidentale de la rivière Petchora devait nous rester au sud, à la distance de quinze lieues environ. Nous établîmes notre grand’voile et prîmes le plus près avec des vents de nord-ouest-quart-nord. Nous faisions peu de chemin à cause de la grosseur de la houle. À minuit, nous virâmes de bord et mîmes le cap au nord-nord-est. »

Le 21 août, la sonde rencontrait encore un fond de sable ; le 22, elle tombait sur un fond de vase. Tout indice est précieux pour le navigateur qui cherche à tâtons sa route. « Ce fond de vase, dit Stephen Burrough, nous indiquait que nous nous rapprochions de la Nouvelle-Zemble. » Ce n’était certes pas la Nouvelle-Zemble que les marins du Searchthrift se souciaient alors de revoir. Tous leurs désirs et tous leurs efforts tendaient vers la baie de Saint-Nicolas. On en peut croire l’intrépide capitaine quand il inscrit dans son journal de bord ces lignes découragées : « Nous avions perdu l’espoir de faire de nouvelles découvertes cette année, et nous résolûmes de profiter de la première brise favorable pour regagner le port que mous avions quitté au mois de juin. Nous nous étions déjà engagés trop avant au milieu de ces glaces et je remercie Dieu de notre délivrance. »

La continuité des vents de nord-est et de nord, l’obscurité des nuits, l’approche de l’hiver, n’auraient peut-être pas suffi pour inspirer à tous ce véhément désir de regagner le port ; mais les glaces étaient là, menaçantes, rapprochées à moins de trois lieues, semblables à la terre ferme, aussi loin que la vue pouvait porter du nord-ouest jusqu’à l’est. Le 23 août, dans l’après-midi, « le Seigneur envoya aux pauvres marins un petit coup de vent de sud qui leur permit de doubler la partie occidentale de la banquise. » À la nuit, il fit calme de nouveau et le vent passa au sud-ouest. Jusqu’au 24 août à midi, le Seatchthrift fit route au nord-ouest-quart-ouest. « Il y avait de la houle, dit Stephen Burrough, si bien que nous ne pûmes observer exactement la latitude. » Que la mer fût plate ou agitée, il n’était jamais facile de tenir l’astrolabe en repos. Aussi, quand on s’efforce de suivre les navigateurs du XVIe siècle est-il prudent de ne point prendre à la lettre les latitudes qu’ils n’ont pu déduire que d’observations faites sur un pont branlant. À terre, rien ne vient déranger l’instrument de la verticale, et la moyenne des résultats obtenus avec un engin imparfait étonne