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grouper et se fixer en figures régulières, toujours sous l’action des lois purement mécaniques ? N’est-ce pas l’application constante de cette méthode qui, par une série d’efforts heureux, a fait de la minéralogie une véritable science, possédant le secret de la composition intime des minéraux, pouvant les classer d’après les principes de cette composition, et non plus simplement d’après leurs formes extérieures ? Quelle philosophie, si spiritualiste qu’elle fût, pourrait rester hostile ou indifférente à ces difficiles et délicates études sur la physiologie du cerveau, et sur la relation intime, la correspondance certaine des actions cérébrales et des phénomènes de l’activité mentale ? Qui oserait soutenir aujourd’hui qu’on peut penser sans cerveau, au moins dans les conditions de la vie actuelle, nier l’influence de telle conformation cérébrale, de telle mutilation, de telle suspension d’un organe local sur le développement de la vie psychologique ? Flourens, qui n’était pas un matérialiste, a mis, avec beaucoup d’autres physiologistes contemporains, cette vérité hors de doute, par ses expériences décisives sur le cerveau et le système nerveux des animaux. Et lorsque des physiologistes comme MM. Claude Bernard, Vulpian, Robin, Luys, pénétrant, à l’aide du microscope, dans la composition intérieure des tissus, constatent l’existence de cellules vivantes, vrais principes élémentaires de l’organisation cérébrale, et rendent ainsi plus facile à concevoir la composition du tout par les parties, dans tout travail de la nature vivante, quel est le philosophe qui n’applaudirait au succès de pareilles recherches ?

La philosophie n’élève aucune objection contre la science faisant son œuvre propre, son œuvre tout entière, mais son œuvre seulement. Elle reconnaît que la science la fait bien, la fait même d’autant mieux qu’il ne s’y mêle aucune considération d’un ordre différent. Elle est satisfaite de tous les résultats vraiment scientifiques, heureuse et fière pour l’esprit humain des merveilleuses découvertes, des étonnans progrès dus à la sûreté des méthodes, à l’incessante activité des recherches de nos savans. Quand la science lui dit, par l’organe de ses interprètes les plus autorisés : « Nous n’avons pas besoin de votre métaphysique pour expliquer les choses, nos méthodes et nos principes y suffisent parfaitement, » la philosophie comprend encore ce langage. Elle ne demande à la science qu’une chose : ne pas confondre les questions, et lui laisser dire aussi son mot sur le problème complexe des causes. Que la science n’entende pas s’enfermer dans cet étroit empirisme qui se borne à constater des faits et des lois, de façon à ne rien tenter, en fait d’explication, qui ressemble à une théorie et à un système, abandonnant tout le reste à la métaphysique, nous l’admettons volontiers. La science conserve le droit d’expliquer les faits qu’elle a constatés ; la