Page:Revue des Deux Mondes - 1876 - tome 16.djvu/483

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

propre conduite. Ce n’était pas seulement sur les champs de bataille que les armées espagnoles éprouvaient des revers ; la monarchie recevait des coups intérieurs et semblait à la veille de se dissoudre. Le Portugal venait de revendiquer son indépendance en 1640 ; la même année, la Catalogne se révoltait et invoquait la France ; bientôt enfin Naples, accablée d’impôts, se soulevait, acclamait Masaniello le pêcheur, puis Gennaro Annese, l’armurier, et enfin le duc de Guise.. Des députés napolitains étaient venus à Rome demander à notre ambassadeur l’appui du gouvernement français ; ils avaient sollicité Guise, qui n’avait pas besoin d’être longtemps prié, et qui saisit cette occasion de faire valoir de prétendus droits de sa famille sur le trône de Naples ; il allait s’offrir aux Napolitains comme ayant pour lui le secours des armes françaises, et il pressait en même temps Mazarin d’intervenir en prétextant un accord formel avec le peuple de Naples. L’habile ministre savait fort bien que la situation n’était d’aucun côté aussi nette ; il fallait tout au moins attendre quelles seraient les résolutions à Naples, et si le peuple insurgé ne se constituerait pas en république. MM. Loiseleur et Baguenault de Puchesse ont rendu service en faisant connaître les dépêches où se montrent les hésitations et les calculs du gouvernement français. Il y a telle de ces dépêches (par exemple celle qui est inscrite sous le n° 50 : Mémoire du roi au sieur marquis de Fontenay…) dans laquelle se rencontrent les plus intéressantes remarques sur le caractère espagnol, sur la légèreté napolitaine, sur les chances que peut avoir chez un tel peuple un gouvernement républicain, sur l’impossibilité de laisser paraître la main de la France dans les affaires de la Sicile, où n’était pas complètement éteint le souvenir des haines qui avaient suscité les Vêpres siciliennes.

On assiste, en lisant de telles dépêches, aux délibérations politiques, et il semble qu’après cette lecture on n’est pas tout à fait du même avis que les savans éditeurs sur la conduite qu’a tenue Mazarin. Ils s’étonnent qu’il n’ait pas hardiment encouragé les prétentions du duc de Guise, afin d’obtenir ce grand succès de priver la monarchie espagnole d’une possession aussi importante que les Deux-Siciles. Ils terminent leur introduction en citant l’avis des Mémoires de Monglat que, « si le cardinal de Richelieu eût été vivant, cette révolte eût eu une tout autre suite. » Ne semble-t-il pas cependant que les hésitations de Mazarin tout d’abord, puis son entière abstention, s’expliquent et se justifient ? Certes il savait bien quel profit c’eût été pour la France de voir l’Espagne perdre de si belles provinces : les dépêches écrites sous son inspiration s’en expliquent plus d’une fois ; mais que de risques à courir ! Fallait-il recommencer les fautes des anciennes guerres d’Italie ? pouvait-il faire quelque fond sur un peupla comme les Napolitains, sur un ambitieux étourdi tel qu’était le duc de Guise ? Si la révolution napolitaine avait paru d’elle-même se diriger et s’affermir, si elle eût semblé prête à accepter et à soutenir un roi feudataire de la France,