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d’une fois, sous toutes les formes, on lui a raconté ce qu’elle a souffert.

Le bénéfice du temps, c’est d’enlever en quelque sorte ce cruel sujet aux contradictions passionnées qui le dénaturent pour le livrer à l’impartialité de l’histoire. De là l’intérêt des œuvres sérieuses, préparées avec maturité, écrites par des hommes qui s’efforcent avant tout de rassembler des faits, de retracer à la lumière de documens authentiques la marche des choses, de classer et de coordonner ces campagnes diverses dans une seule campagne, ces épisodes multiples dont le plus dramatique est encore le siège de Paris. Les Allemands, eux aussi, écrivent cette histoire, et la dernière livraison du vaste travail que poursuit l’état-major de Berlin sur la Guerre de 1870-1871 arrive justement à l’investissement de Paris. C’est la suite, jour par jour, des opérations allemandes, c’est l’impression du camp allemand à côté de cet autre récit où un chef militaire français, M. le général Ducrot, raconte à son tour, avec autant d’autorité que d’animation, la Défense de Paris. L’état-major de Berlin n’en est encore qu’à l’investissement, aux premières affaires autour de Paris, au combat de Châtillon, à tous les préliminaires de ce gigantesque blocus. Le général Ducrot a déjà raconté, dans la première partie de son travail, Châtillon, La Malmaison, et, dans le second volume qu’il publie aujourd’hui, il dépasse Villiers et Champigny. Les deux récits se rencontrent, ils se compléteront et s’éclaireront mutuellement. Certes, nul mieux que l’ancien commandant en chef de la deuxième armée, de l’armée de Champigny, ne pouvait exposer les conditions, les péripéties de cette « défense, » à laquelle un officier du génie prussien a rendu cet hommage qu’elle avait été « remarquable par la puissance, par la multiplication des moyens employés, » qu’elle pouvait être « mise en parallèle avec les défenses les plus mémorables dont parle l’histoire. » Le général Ducrot, après avoir été au premier rang un des acteurs intrépides de cette campagne de cinq mois, en est l’historien exact, substantiel et émouvant.

Paris est tombé, dira-t-on toujours. Eh ! sans doute il n’a pas pu être sauvé de la catastrophe, et, quoiqu’il soit tombé, les Allemands sont plus justes que bien des Français, puisqu’ils conviennent qu’avec la défense telle qu’elle était, « Paris ne pouvait être vaincu que par la famine ! » Bienheureux encore si c’eût été la dernière défaite de Paris, si de vulgaires et sinistres aventuriers n’eussent profité de son infortune pour essayer de ternir un siège dont des livres comme celui du général Ducrot relèvent justement l’honneur !


CH. DE MAZADE.