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Assurément on croyait en avoir fini avec l’amnistie, et à la vérité les chambres ont eu la prudence de renier avec éclat le principe d’un acte qui ressemblait à une réhabilitation rétrospective de la plus odieuse guerre civile ; mais ne croyez pas qu’on s’en tienne là. L’amnistie est repoussée, aussitôt surviennent les propositions qui, déguisant la faiblesse sous une apparence de conciliation, ont pour objet de suspendre toute poursuite, d’étendre désormais la prescription à un certain nombre d’actes relatifs à la commune, de changer les juridictions. En d’autres termes, pour des cas spéciaux et rares suffisamment prévus et réglés par une lettre récente de M. le président de la république au ministre de la guerre, on soulève les questions les plus graves de législation. On veut avoir l’air de faire quelque chose, et ce n’est pas tout : voici maintenant M. Benjamin Raspail proposant une intervention parlementaire dans les actes de clémence du chef de l’état, la publication, par ordre de la chambre, de toutes les grâces, du nom des condamnés, des graciés, et il faut que M. le garde des sceaux se débatte avec toutes ces fantaisies, qui occupent des commissions, auxquelles le gouvernement se croit tenu de faire l’honneur de discussions en règle, quelquefois de concessions assez inutiles ! Les républicains, c’est leur passion ou leur manie, veulent absolument toucher à tout, et M. Gambetta lui-même, malgré sa prétention à devenir un homme de gouvernement, ne peut se défendre de donner une importance démesurée à un simple incident scolaire. Parce que dans un concours pour l’École polytechnique il y a eu une indiscrétion coupable, une divulgation abusive d’un problème de géométrie proposé aux candidats, aussitôt c’est affaire de parlement ! il faut une enquête, toujours avec l’intervention de la chambre. La question cléricale est là-dessous, la main des jésuites est partout, c’est elle qui a dérobé le secret ; le débat s’anime, la politique s’en mêle, et on finit par échanger des aménités en se disant réciproquement que l’empire était une « pourriture » et que la république est un « fumier ! » Voilà certes une discussion utile à propos d’un incident d’examen, et ce qu’il y a de plus grave, c’est que le gouvernement, par excès de scrupule ou pour plaire à la majorité républicaine, s’est laissé imposer, non pas tout à fait une enquête parlementaire, mais une enquête semi-parlementaire avec l’assistance de membres des deux chambres. Là où devaient suffire un simple éclaircissement et une simple assurance du gouvernement, qui ne peut être soupçonné sans doute de vouloir favoriser des fraudes, on a soulevé un débat politique, on s’est plu à livrer des batailles de partis, à mettre en mouvement des passions de majorité, pour arriver à un compromis dont un intérêt public des plus sérieux paie le prix. Et c’est par malheur souvent ainsi, car enfin cette loi qui vient d’être votée, qui a été pendant quelques jours un événement, presque une menace, qui est, elle aussi, un compromis, cette loi