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signe, vous reconnaîtrez ces beautés éternelles, qu’on a longtemps appelées classiques, qui parlent à toutes les générations, dans un langage toujours intelligible, des sentimens permanens de l’humanité.

Telle est la conclusion de cet écrit abondant en considérations profondes, animé, débordant d’un amour enthousiaste pour la vraie beauté, dans lequel se détachent en relief quelques pages d’une vigueur et d’une grâce, d’un éclat solide et substantiel où. se révèle un maître. Je connais bien peu de livres de ce temps où soient répandues, d’une main plus prodigue en si peu d’espace, plus de ces suggestions profondes, de ces semences d’idées auxquelles il eût fallu si peu de chose pour leur faire produire une magnifique moisson : un peu d’ambition personnelle, non pour, soi, mais pour ses idées, peut-être aussi une délicatesse moins superbe à l’égard du public, un effort plus prolongé, le courage du livre au lieu de L’effort rapide de quelques pages. On voudrait que le sillon tracé si droit, ouvert si profond, eût été poussé plus loin, jusqu’aux dernières limites du champ découvert et conquis.


III

On comprendra mieux maintenant le regret que j’exprimais au commencement de cette étude sur la singularité du choix qui a écarté des Mélanges ce morceau capital, quand on aurait dû lui faire une place d’honneur. Je croirai difficilement, si l’espace de ces deux volumes semblait trop restreint, qu’on n’eût pas mieux fait de laisser en portefeuille quelques-unes de ces deux cent quarante-trois lettres, dont chacune a sans doute son intérêt, mais souvent un intérêt de circonstance et de personne. On affaiblit l’effet d’une correspondance quand l’auteur n’est pas Voltaire ou Napoléon, quand il n’a pas touché aux grandes choses de l’histoire ou qu’il n’a eu qu’une sphère d’action limitée, en donnant indistinctement tout ce qui a pu sortir de sa plume. Je n’exclus pas par là bien entendu ce qui est familier. Il y a telle de ces lettres de M. Doudan qui ne traite que de choses intimes, domestiques, enfantines même, mais avec un charme si expressif et si piquant que je ne voudrais à aucun prix qu’on nous en eût privés. Je ne parle et ne veux parler que des lettres de pure politesse ou de complaisance, qui grossissent inutilement le volume et qui ont été déjà l’occasion cherchée par quelques lecteurs peu bienveillans d’exercer leur critique facile en oubliant le reste.

La vocation de M. Doudan, l’emploi spontané de toutes ses facultés était là, dans la conversation écrite ou parlée. Il y est incomparable ; tout sujet, toute occasion lui est propice pour penser tout haut