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avance ? La houille est un capital qui s’use et ne se reproduit point : il s’en va en fumée, il se dissipe sous forme de chaleur, de lumière, de force dépensée. Les houillères de l’Europe seront épuisées tôt ou tard, et c’est alors que les immenses richesses souterraines des autres continens auront tout leur prix. Depuis dix ans, l’enquête se poursuit en Angleterre sur la richesse et la durée probable des trésors que recèlent les mines du royaume-uni. M. Jevons a calculé que cette durée ne dépasserait pas un siècle ; sir William Armstrong recule du double le terme fatal. Le rapport de la commission du parlement, publié en 1871, est plus rassurant ; il n’en est pas moins vrai que la production des houillères anglaises aura une fin.

Aucun pays n’exploite ses mines aussi largement que l’Angleterre, où cette industrie est depuis longtemps arrivée à son développement complet et comparable à un arbre séculaire tandis que dans la plupart des autres pays elle n’est qu’un jeune plant. En effet, les bassins carbonifères de la Grande-Bretagne ont une superficie totale d’environ 24,000 kilomètres carrés, et ils sont exploités par trois mille mines qui en 1872 ont produit 125 millions de tonnes de charbon, tandis que les États-Unis, dont les gisemens ont peut-être une étendue vingt fois plus considérable, ne produisent encore que le tiers de cette quantité, et que la Russie, qui possède des gisemens presque aussi étendus que ceux de l’Angleterre, commence seulement à les entamer.

D’après les évaluations les plus récentes, les gisemens carbonifères de l’Europe entière couvrent une aire totale d’environ 62,000 kilomètres carrés. Ceux de l’Australie paraissent être d’une étendue à peu près équivalente ; mais les bassins houillers de l’Amérique du Nord présentent une superficie totale de 300,000 kilomètres carrés selon les uns, de plus de 500,000 (la surface de la France) selon les autres, et ceux de l’Asie sont pour le moins aussi considérables. Or en Asie et en Amérique ce vaste domaine est, pour ainsi dire, encore vierge : il renferme une provision presque indéfinie de combustible minéral. Il y a là de quoi rassurer ceux qui craignent l’épuisement plus ou moins prochain du stock de combustible que la lente action du soleil a jadis créé pour nous et qui se trouve emmagasiné dans les entrailles de la terre. Ce qui est moins rassurant, c’est que cette réserve souterraine, qui n’appartient pas à l’Europe, pourrait bien déplacer le centre de gravité de l’industrie du globe. Dès à présent, la progression rapide que suit le chiffre de la production houillère aux États-Unis (il double toujours en moins de dix ans), permet de prévoir avec certitude qu’avant cinquante ans l’Amérique marchera sous ce rapport de pair avec l’Angleterre.

M. de Hochstetter a réuni toutes les données qu’il a pu se procurer sur l’étendue et la puissance des dépôts carbonifères de l’Asie, en