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entière, un revenu annuel de 76 millions, ou d’environ 7 1/2 pour 100, le capital étant de 1 milliard.

Quelle que soit la valeur de ces chiffres, qui reposent nécessairement sur des hypothèses plus ou moins plausibles, ils suffisent pour montrer que l’entreprise du chemin de fer Central-Asiatique, bien qu’elle sorte des limites habituelles, n’entraînerait que des frais comparables à ceux des voies ferrées ordinaires, et qu’elle promet une rémunération suffisante aux capitaux engagés. Il faut ajouter que les compagnies dont les lignes seront empruntées pour le passage des trains des Indes sont intéressées à la création de la voie nouvelle, qui leur apportera une recette supplémentaire importante par la circulation qu’elle fera naître. La meilleure preuve que ce projet n’a rien de chimérique, c’est que le gouvernement russe vient de faire les premiers pas vers la réalisation de la route asiatique en commençant la construction de la ligne de Sibérie, que le commerce réclamait depuis longtemps, et l’étude de celle qui doit descendre vers Tachkend.

Le chemin de fer des Indes une fois achevé, la communication directe de la colonie anglaise avec la Chine pourrait être établie par un embranchement qui se détacherait de la ligne principale[1]. Une autre route de la Chine, — mais celle-là se trouve en dehors de la grande ligne transasiatique, — c’est le chemin que suivait jadis le trafic de la Birmanie avec le Yunnan, province chinoise dont l’insurrection des Panthays a fait un pays indépendant. Une expédition partie de Bamo, au mois de janvier dernier, pour explorer de nouveau cette contrée montagneuse, déjà visitée en 1868 par le major Sladen, a été attaquée par des soldats chinois qui ont assassiné l’un des interprètes, M. Augustus Margary ; mais cet insuccès n’a pas refroidi le zèle des Anglais. Cette route leur permettrait d’attirer vers le port de Rangoun les produits du Yunnan et de la Chine méridionale, parmi lesquels les plus importans sont les thés et divers métaux, le cuivre, le zinc, l’étain, le plomb, l’or et l’argent, le mercure, etc. Espérons cependant qu’il sera possible, suivant les prévisions de l’infortuné Francis Garnier, de faire dériver ce grand courant commercial vers le fleuve du Tonkin, que les marchandises descendraient jusqu’à l’embouchure, où le cabotage les prendrait pour les porter à Saigon. Ce port deviendrait ainsi le point de chargement des productions du Tonkin et de celles du sud de la Chine, et leur fournirait le débouché facile qui leur manque jusqu’à présent.

  1. Remonter la vallée du Brahmapoutre pour atteindre Changhaï, comme le voudrait M. Bouniceau, serait une entreprise par trop ardue.