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l’obstacle peut être tourné de la manière suivante : Tiflis sera avant peu la station centrale d’un railway reliant la Mer-Noire à la Caspienne. La section de Tiflis à Poti, sur la Mer-Noire, est dès à présent en exploitation ; celle qui va de Tiflis à Bakou, sur la Caspienne, sera probablement terminée dans trois ans. Alors on pourra continuer les rails le long du rivage de la Caspienne pour rejoindre par un détour la station de Vladikavkas. D’après les études faites par le colonel Romanof, la construction de cet embranchement ne rencontrerait aucune difficulté technique sérieuse ; de plus il présenterait une grande importance économique et commerciale, car il desservirait des contrées fertiles en produits de toute espèce : on y cultive la garance, le coton, le mûrier, la vigne ; il s’y trouve des puits de naphte, des sources thermales, et sur les rives de la Caspienne on pourrait établir des salines ; enfin l’abondance du poisson dans cette mer intérieure est telle, que chaque année on en expédie aux marchés de la Russie près de 200 millions de kilogrammes, qui représentent une valeur de 10 millions de roubles : c’est beaucoup plus que n’en fournissent annuellement les pêcheries si renommées de la Norvège.

On ne peut douter que la Russie ne songe sérieusement à prolonger un jour son réseau méridional de manière à déboucher dans le Golfe-Persique. En 1874, le général du génie Falkenhagen fut envoyé à Téhéran pour négocier la concession d’une voie ferrée qui devait partir d’un point de la frontière et s’avancer jusqu’à Tauris : c’eût été un premier tronçon de la ligne de Tiflis à Téhéran ; mais l’agent russe ne put rien obtenir. Au reste l’exécution d’un chemin de fer de Téhéran au golfe rencontrerait de sérieuses difficultés dans l’élévation des montagnes qu’elle aurait à franchir et où passent aujourd’hui la route postale et le télégraphe. Si, au lieu de chercher à atteindre le golfe, on allait de Téhéran par Hérat à Chikarpour, il suffirait, pour rattacher le Caucase à l’Inde, d’une ligne de 3,700 kilomètres ; mais sur cette route se dressent les obstacles de toute sorte que nous avons déjà énumérés. Il faut donc pour le moment renoncer à l’idée d’atteindre le nord de l’Iode par une voie ferrée qui partirait de Constantinople ou de Tiflis et qui passerait par l’Afghanistan. On se trouve ainsi amené à considérer comme le seul praticable le projet français, qui prend son point de départ en Sibérie et relie en Orient l’empire russe à l’empire britannique par un chemin de fer pour lequel M. Ferdinand de Lesseps a choisi le nom de Central-asiatique.

Après l’achèvement du canal de Suez, qui fut ouvert à la grande navigation en 1870, M. de Lesseps se voyait libre de chercher un autre champ pour son infatigable activité. Ce fut alors que M. Charles Cotard, l’un des ingénieurs du canal, lui proposa de se mettre à la