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sir Henry Rawlinson ; 2° le projet français, élaboré récemment par MM. Ferdinand de Lesseps et Ch. Cotard ; 3° le projet russe, dont l’infatigable défenseur est le colonel Bogdanovitch ; enfin à0 le projet allemand, du au baron de Richthofen. Les deux premiers ont pour objet d’ouvrir une nouvelle route de l’Inde, les deux derniers relient l’Europe à la Chine.

Longtemps avant le percement de l’isthme de Suez, les hommes d’état de l’Angleterre avaient senti la nécessité de chercher entre Londres et Calcutta une route plus courte que celle du cap de Bonne-Espérance, qui représentait un voyage de plusieurs mois. Lord Wellesley, au siècle dernier, avait organisé un service bimensuel par de petits bâtimens entre Bombay et Bassora, sur le Golfe-Persique ; de Bassora, des Arabes montés sur des dromadaires portaient les dépêches à Alep, d’où elles étaient envoyées par des Tartares à Constantinople. Ce service ne fonctionna pas longtemps ; mais depuis plus de quarante ans des ingénieurs et des officiers supérieurs anglais étudient et discutent la possibilité d’une voie de transit qui, partant d’un point de la côte syrienne, irait rejoindre l’Euphrate ou le Tigre et suivrait la vallée de l’un ou de l’autre de ces fleuves pour aboutir à un point du littoral du Golfe-Persique, par exemple à Bassora ou à Grane. En 1835 et 1836, le colonel Chesney entreprit une reconnaissance complète de la vallée de l’Euphrate et des contrées riveraines[1], et en 1857 il sollicita la concession d’une voie ferrée depuis l’embouchure de l’Oronte, sur la Méditerranée, jusqu’au Golfe-Persique, à laquelle le gouvernement devait garantir 5 pour 100 d’intérêt. Sa demande n’eut pas de succès ; mais l’idée qu’il avait mise en avant fit lentement son chemin. Même après l’ouverture du canal de Suez, une route directe entre la Méditerranée et le Golfe-Persique conservait aux yeux des hommes d’état anglais une importance politique et stratégique assez grande pour que la chambre des communes crût devoir charger une commission spéciale, sous la présidence de sir Stafford Northcote, d’étudier les divers projets qui lui avaient été soumis. Le rapport de cette commission a été imprimé en 1872 ; il discute, comme particulièrement dignes d’attention, cinq tracés différens dont quatre ont pour point de départ Alexandrette et qui suivent, les uns la vallée de l’Euphrate, les autres celle du Tigre ; la première route est plus courte, mais la seconde traverse des régions plus fertiles et mieux peuplées. La dépense prévue par les auteurs de ces projets est d’environ 10 millions de livres sterling (250 millions de francs). La commission pense que les deux routes, celle du

  1. Voyez, dans la Revue du 1er janvier 1870, l’étude de M. J. Clavé, intitulée la Route de l’Inde par la vallée de l’Euphrate.