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guerre. Les hommes qu’il leur envoyait représentaient auprès d’elles la protection piémontaise, la dictature acceptée, recherchée de Victor-Emmanuel. A tous il donnait les mêmes instructions : « Sévérité pour l’ordre, activité pour la guerre, le reste à l’avenir. » Sa grande préoccupation était de ne laisser aucune place aux incohérences, aux agitations, et c’est dans cette pensée qu’il écrivait à M. Vigliani, magistrat piémontais, conciliant et libéral, dont il avait fait le premier gouverneur de Milan : « Nous ne sommes plus en 1848, nous n’admettons aucune discussion. Ne tenez aucun compte des sensations de ceux qui vous entourent. Le moindre acte de faiblesse perdrait le gouvernement. » Il avait des représentans partout, même au camp de Garibaldi, où il avait placé un jeune Lombard, M. Emilio Visconti-Venosta, celui qui a été depuis ministre des affaires étrangères et qui était alors commissaire royal auprès des « chasseurs des Alpes, » avec lesquels il faisait campagne. En un mot les armées marchaient, l’Italie se mettait en mouvement, et Cavour inspirait ou conduisait tout en restant le plus possible dans le programme impérial. On touchait au point culminant, à Solferino !

Déjà cependant, même avant cette rencontre, plus sanglante que décisive, du 24 juin, des nuages avaient commencé de s’élever au camp des alliés. A mesure que les événemens se déroulaient, la situation tendait à se compliquer. Les armées de la France et du Piémont, en se rapprochant du Mincio et de l’Adige, allaient avoir, non plus des batailles à livrer, mais des opérations laborieuses à poursuivre, des sièges à entreprendre, des positions formidables à enlever : on allait se trouver en face du quadrilatère I En même temps, la diplomatie européenne, qui avait laissé passer les premiers feux de la guerre, paraissait disposée à se remettre à l’œuvre ; la Prusse, sans témoigner aucune hostilité, avait l’air de vouloir prendre un rôle plus actif. D’un autre côté, ces mouvemens italiens qui se succédaient, qui gagnaient les provinces du saint-siège, réveillaient les ombrages, les animosités contre ce qu’on appelait « l’ambition piémontaise, » et toutes ces circonstances devenaient le prétexte d’un travail qui avait son centre à Paris, qui allait aboutir au quartier-général de Napoléon III, en pleine Lombardie. C’était comme la revanche d’une politique qui, après avoir été impuissante à empêcher la guerre, s’efforçait du moins de la limiter, de l’arrêter le plus tôt possible en excitant les défiances, les craintes de l’empereur, et cette politique avait sûrement d’efficaces complices dans la chaleur accablante d’une saison torride, dans la fatigue d’un souverain qui, à cinquante ans passés, croyait pouvoir se mettre à conduire de grandes opérations militaires. en réalité, la bataille de Solferino, glorieuse et sanglante affaire, n’était